[Billet d’humeur] Non, le souverainisme n’est pas un « repli national » !

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Voilà un article, en forme de billet d’humeur, de mauvaise humeur cela va sans dire, pour réagir à une idée dont on nous rebat les oreilles perpétuellement, et dont le pouvoir irritant atteint aujourd’hui un niveau particulièrement élevé.

« Le souverainisme c’est le repli national »

Voilà l’objet du délit ! Le souverainisme serait donc une version du repli, de la fermeture, du rabougrissement, des barbelés, puis par voie de conséquence, du nationalisme, de l’extrême-droite, de Vichy, Pétain, des Nazi, Hitler et, suprême offense, du caramel beurre salé – je déteste le caramel, et le beurre salé… Bref, tout y passe. Le souverainisme serait un refus du monde ouvert et bienveillant, de l’idéal d’émancipation, des droits de l’Homme et de l’universalisme, un ennemi du Progrès, associé nécessairement à la disparition des frontières et des particularismes culturels etc. La liste des griefs est longue et répétée, répétée, répétée ad nauseam dans la plupart des médias.

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Sommaire

Préambule

Souverainisme et démocratie

Souverainisme, libéralisme et repli

Le repli, est-ce mal ?

En résumé


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[divider line_type= »No Line »][nectar_animated_title heading_tag= »h4″ style= »color-strip-reveal » color= »Extra-Color-1″ text= »Préambule »][divider line_type= »No Line »]

Disons-le sans ambages : je défends une vision souverainiste. Ceux qui suivent le blog ont dû le remarquer : critique de l’Union Européenne, volonté de démonter la globalisation et ses mécanismes, refus du globish, détestation de la mentalité des « premiers de cordée » chers à Macron – mentalité des managers, anglicismes à outrance, bisounoursisme qui cache mal les rapports de force féroces, mépris du peuple -, opposition totale à l’idéologie multiculturaliste… Mais un souverainisme que l’on pourrait dire « de gauche » bien que je n’aime pas ce qualificatif, en opposition à un souverainisme « de droite ». En effet, sur Phrénosphère, la critique du libéralisme est assez constante, et nous avons à plusieurs reprises essayé de montrer en quoi ce que je dénonçais plus haut (Union Européenne, haine des peuples, multiculturalisme, extension des revendications individuelles, internationalisme béat, « gauchisme culturel »…) s’inscrit pleinement dans la logique libérale et en est pour ainsi dire la prolongation naturelle.

Pour ces raisons, je considère que la critique anti-libérale abouti à défendre la souveraineté, en particulier nationale. Le libéralisme s’attaque aux peuples, aux nations, seules possibilités réelles d’une démocratie effective. Je m’empresse de préciser que ces conditions (peuple et nation) sont nécessaires à la démocratie, mais en rien suffisantes, l’histoire ne l’a que trop bien – hélas – démontré. Le souverainisme est pour ainsi dire la seule opposition consistante au libéralisme.

Ces quelques mots de préambules passent vite sur les détails, trop vite, et je ne saurais trop vivement vous renvoyer aux articles de Phrénosphère qui analysent tout cela plus finement¹.

[divider line_type= »No Line » custom_height= »40″][nectar_animated_title heading_tag= »h3″ style= »color-strip-reveal » color= »Extra-Color-1″ text= »Souverainisme et démocratie »][divider line_type= »No Line »]

Or, le souverainisme repose sur une idée simple : un peuple doit disposer des moyens de choisir son propre destin. C’est très précisément l’idéal démocratique. Ni plus, ni moins. Or, l’idée de peuple implique des frontières, une langue commune, un ensemble de valeurs partagées, un imaginaire partageable, des références susceptibles d’être reconnues par ses compatriotes… Une géographie, une culture, un système institutionnel et au-delà de ça, une volonté de faire peuple. Je reprends ici largement la conception de la nation défendu par Ernest Renan dans Qu’est-ce qu’une nation ? Ce texte est pour moi fondamental, et, ce qui n’est pas peu, magnifique à lire. 

La démocratie implique l’existence d’un peuple, le δῆμος (dêmos) des grecs, et d’un peuple souverain, puisqu’elle suppose une libre détermination, une délibération, et la possibilité d’appliquer réellement les choix formulés. Le peuple nomme l’ensemble des individus qui se soumettent à ces choix, qui sacrifient une part d’eux-mêmes pour s’associer à d’autres individus, et former une collectivité politique. Faire des choix ne suffit pas en démocratie, encore faut-il, d’une part qu’ils s’appliquent – sinon ils ne sont que des vœux pieux – grâce à des d’institutions (étatiques) et d’autre part que des individus soient d’accord pour s’y soumettre librement et en toute connaissance de cause – sans quoi on tombe soit dans le régime des paroles en l’air, soit dans un régime autoritaire. Voilà pourquoi la démocratie ne peut se passer du peuple.

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[divider line_type= »No Line » custom_height= »40″][nectar_animated_title heading_tag= »h4″ style= »color-strip-reveal » color= »Extra-Color-1″ text= »Souverainisme, libéralisme et repli »][divider line_type= »No Line »]

Sur l’idée du repli. Tout d’abord, le libéralisme entraîne lui aussi du repli, notamment via l’idéologie du multiculturalisme. Cela s’appelle le communautarisme. Bien sûr, ce repli-là n’est point national, mais il n’en est pas moins dangereux. Dans un monde où les identités nationales sont en dissolution, on se rabat sur l’appartenance religieuse, le genre, l’opinion politique, le milieu social etc. et ce d’autant que le multiculturalisme encourage la constitution de communautés en concurrence avec la communauté nationale qui est la communauté des citoyens. Il substitue à l’appartenance politique une multitude d’appartenances fragmentaires indéfinies, particulières et concurrentes. Tout cela fragmente nos sociétés, les désagrège et rompt le lien social indispensable pour créer une solidarité. Le « sans frontiérisme » ne nous immunise pas du tout contre le « repli », au contraire ! Il est plus diffus ou se fait à plus petit échelle, voilà tout !

Il existe en outre aujourd’hui un « repli de classe » terrible : on assiste à un véritable phénomène de sécession des élites vis-à-vis des autres citoyens. De même, un repli des villes, des citadins, des métropoles elles-aussi mondialisées, pour se protéger des campagnes, des ruraux, des péquenauds… Qu’est-ce donc que la gentrification si ce n’est un repli ? Le géographe Christophe Guilluy décrit très finement tous les mécanismes de repli qu’utilisent les tenants de l’idéologie de l’ouverture : contournement de la carte scolaire pour ne pas fréquenter les prolétaires, loyers exorbitants pour rester entre soi etc. En quoi une société fragmentée et « citadélisée » avec des riches et des citadins qui font des métropoles des places fortes et qui rejettent les classes populaires serait-elle préférable à un hypothétique « repli national » ?

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Ensuite. La France a passé le plus clair de son histoire à être une nation, un état-nation. Etait-elle repliée sur elle-même ? C’est une vaste blague ! La France était un carrefour commercial, culturel, ouverte sur le monde entier. Les livres circulaient dans toute l’Europe, les penseurs dialoguaient au mépris des frontières et des langues, car ils parlaient deux, trois langues ou plus. Le latin existait pour faciliter les échanges intellectuels – loin de notre globish insipide et intellectuellement régressif. Les philosophes, les écrivains formaient une communauté transnationale magnifique : celle du savoir, de l’appétit de connaissance, de l’amour pour les arts et les sciences. Bien loin de notre Union Européenne actuelle fondée sur la circulation du fric, des marchandises, sur la diffusion de la médiocrité intellectuelle et sur l’abêtissement des peuples… Les penseurs circulaient à l’aise dans l’espace géographique, mais aussi historique : ils connaissaient l’histoire de leur pays bien évidemment, mais aussi celles de leurs voisins. Ne parlons que de la Renaissance, Léonard de Vinci à la cour de François Ier, l’art italien célébré à Fontainebleau, les emprunts aux mythologies antiques… Les échanges commerciaux existaient, et ô combien ! L’on commerçait avec le monde entier ! Cela ne fut pas sans des moments sombres et peu reluisants dans l’Histoire et il ne s’agit pas de les nier, mais tout cela témoigne d’une prodigieuse ouverture sur le monde, et ce dans un cadre national très puissant. Loin de moi l’idée d’idéaliser le passé, ou de dire que « c’était mieux avant » – ce qui est une phrase dépourvue de sens. Pour le meilleur et pour le pire, la France a toujours été ouverte sur le monde. Ses phases de repli sont proportionnellement de peu d’importance.

La France des « Trentes Glorieuses » était une nation forte. La force d’un peuple coïncide avec la force de son incarnation politique, c’est-à-dire, en France de l’Etat-nation. « Mais le monde a changé, dans la mondialisation, la France ne pèse pas grand chose si elle est seule. A plusieurs, on est plus forts ! » Voilà le refrain des eurobéats, leur objection suprême à l’idéal souverainiste. Un argument débile – pardonnez le vocabulaire peu châtié, à la mesure de la mauvaise foi et des mensonges desdits eurobéats – car il sous-entend justement que la France souveraine serait coupée du monde. Autrement dit, cet argument ne tient qu’à la condition expresse de tordre l’histoire. Mais également de tordre la logique. En quoi le besoin nécessaire d’associations et de partenariats est-il incompatible avec le souverainisme ? En rien, c’est même le contraire ! Pour qu’il y ait partenariat véritable, il faut que chaque partenaire soit clairement défini et indépendant, sans quoi le partenariat n’est qu’une forme de subordination – ce qui est le projet de l’Union Européenne : la subordination des peuples à une technostructures néolibérale tentaculaire. Pour s’allier et être forts à plusieurs, il nous faut être souverains ! En d’autres termes, les eurobéats essaient de faire croire que l’Union Européenne est la seule forme d’association possible en Europe. Mais c’est une absurdité.

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Retrouver un cadre national n’a aucun rapport avec le fait d’être fermé ou ouvert. Cela a par contre tout à voir avec les choix politiques qui sont faits. Bien sûr, il existe un souverainisme barbelé, qui ne pense qu’à s’enclore, et considère a priori que n’est digne que ce qui est français. Mais il existe des alternatives souverainistes qui promeuvent la nation, le peuple, l’existence de frontières, et en même temps une forme de rayonnement et d’ouverture au monde. Et c’est cette option-là que je défends.

[divider line_type= »No Line » custom_height= »40″][nectar_animated_title heading_tag= »h4″ style= »color-strip-reveal » color= »Extra-Color-1″ text= »Le repli, est-ce mal ? »][divider line_type= »No Line »]

Enfin, j’aimerais que l’on réfléchisse un instant à l’idée de repli et à sa connotation péjorative actuelle. « Le repli » c’est le mal. Bien sûr, c’est le cas dans un monde qui promeut sans cesse l’ouverture, la mobilité, l’indifférenciation, l’égalité voire l’égalitarisme, l’universalité – mais pourvu qu’elle soit exclusivement libérale. Toutes ces aspirations sont des aspirations que le système libéral a intérêt à nous faire adopter. Mais dans un tel monde, une forme de repli ne peut-elle être considérée comme une forme de résistance ? Un individu choqué, traumatisé, ébranlé psychologiquement se place dans une position de « repli » vis-à-vis du monde, et c’est une position de défense. L’on conseille souvent aux gens de se recentrer sur eux-mêmes, de faire un retour sur eux-mêmes, et d’entrer en introspection, afin de mieux se connaître, connaître leurs désirs, leurs forces et leurs faiblesses. L’on dit aussi qu’on ne peut aimer autrui sans un travail préalable pour s’aimer soi-même. Repli que tout cela ! Mais, est-ce mal ? Certains animaux se « replient », au sens littéral, sur eux-mêmes pour échapper aux prédateurs qui les menacent. Est-ce mal ? Le repli est parfois nécessaire pour se protéger d’un danger, doit-on dès lors condamner ce qui nous sauve ?

Je ne souhaite pas faire l’éloge du repli, ni inférer d’exemples très différents que le repli politique serait par essence vertueux. Cela n’est pas le cas. Ma modeste ambition ici est de critiquer la tendance à rejeter en bloc toute forme de repli en tant que tel. Le repli n’est ni bon, ni mauvais. Aujourd’hui, les discours dominants associent immédiatement le repli au négatif, au mal. Il nous faut nous déprendre de cette association idiote. Aussi idiot que de dire qu’une table ou une chaise seraient méchantes parce qu’elles peuvent nous blesser – tous ceux qui se sont, au réveil, pris un coin de table dans le flanc savent de quoi je parle… Dans ces discours dominants, il suffit de dire d’une idée ou d’une personne qu’elle encouragerait le « repli » pour qu’ipso facto cette idée ou cette personne soit rangée dans la catégorie de l’extrême-droite, du fascisme et du nationalisme. Ce mot en vient à jeter une suspicion automatique. Or, c’est précisément cette suspicion qu’il convient d’interroger. Car comme tout processus automatique de la pensée, elle relève d’une insidieuse tentative de dévoyer le langage, de « lavage de cerveau » ou de « bourrage de crâne », et sert une idéologie qu’on essaie de faire passer en douce sous couvert de morale.

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  • Le souverainisme – en ce qu’il défend l’idée de souveraineté du peuple – est consubstantiel à la démocratie.
  • Le monde libéral actuel favorise comme jamais le repli : communautarisme, gentrification, « repli de classes » etc.
  • La nation peut être, et a été, une formidable occasion d’ouverture au monde. La nation n’implique pas de fait le nationalisme.
  • Le repli n’est ni bon ni mauvais car il n’implique nullement la violence, le rejet ni la haine. Il est indépendant de ces notions.
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Pour approfondir, Phrénosphère revient sur le sujet : discussion sur le souverainisme  !

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