[Proposition] L’Année de Préparation à l’Université


Dossier

Qui veut la peau de l’Université ?

Proposition Phrénosphère :

L’Année de Préparation à l’Université


Suite et fin de notre dossier Qui veut la peau de l’Université ? Pour finir, une proposition concrète et ambitieuse que Phrénosphère souhaite poser dans le débat, pour faire réfléchir, mais surtout, pour montrer que les idées existent, que des alternatives sont possibles. Il n’y a pas de fatalité, voilà le message. Cette proposition s’inscrit dans la continuité de celles que nous formulions précédemment.

[fancy-ul icon_type=”font_icon” icon=”icon-folder-open” color=”Extra-Color-1″]

Qui veut la peau de l’Université ?

[/fancy-ul]

La question de l’échec à l’université est un sujet important depuis quelques années, d’autant plus qu’il s’ajoute à celui de la surpopulation des amphithéâtres universitaires. Cette problématique complexe est le fruit d’une politique publique d’augmentation des bacheliers. Il est important de rappeler que le baccalauréat n’est initialement que le sésame permettant l’accès aux études supérieures, le premier grade universitaire. C’est par le dévoiement de cette fonction première que les effectifs étudiants ont cru exponentiellement sans voir les moyens donnés aux établissements augmenter en parallèle. Ce constat pose donc la question de la nécessité de revoir l’enseignement secondaire dans sa globalité, et sans doute de redonner sa fonction principale au baccalauréat, à savoir sanctionner un niveau permettant l’accès à l’enseignement supérieur.

Les raisons de ce que l’on appelle « l’échec en licence » sont nombreuses : le fossé à franchir entre le lycée et l’université est parfois trop grand, la méconnaissance du fonctionnement et du contenu des études supérieures peut déboussoler les étudiants, les choix d’orientation peuvent être mal préparés souvent à cause d’une information insuffisante ou de mauvaise qualité, le niveau du baccalauréat est trop faible et donc les étudiants n’ont tout simplement pas le niveau nécessaire…

Ceci étant dit une solution concrète à une part du problème peut être donnée par un biais simple : l’Année de Préparation à l’Université, une année facultative de transition non diplômante.

⇒ Une année de transition non diplômante

L’Année de Préparation à l’Université permettrait de franchir le fossé dont nous parlions entre lycée et université, mais pas seulement. Plutôt que de choisir une filière par défaut (ce qui entraîne bien souvent un engorgement de certaines filières dites « en tension » : PACES, psycho-sociologie, droit, STAPS…) nous proposons de mettre en place, pour les étudiants qui le souhaitent – les indécis, ceux qui ne se sentent pas prêts, les curieux… – une année facultative, modulaire et non diplômante à l’université. Une véritable année de transition entre le lycée et l’université. Cette année doit pouvoir permettre de combler des lacunes éventuelles, ou d’acquérir des savoirs nouveaux, d’apprendre le fonctionnement des instances universitaires, de se familiariser avec les cours en amphithéâtres… Cette APU ne doit être ni diplômante ni sanctionnée par un examen. De toutes façons, dans la mesure où cette année ne s’intégrerait pas stricto sensu au cursus LMD, une évaluation systématique n’aurait pas grand sens. Faire évoluer les mentalités sur la « perte d’une année » que serait cette année sans diplôme est un de ses objectifs. En effet, beaucoup d’étudiants, un tiers environ, redoublent leur première année de License, ou se réorientent à son issu. L’APU permettrait donc de mettre à profit pour ceux qui le souhaitent cette année afin de se préparer à la License, ou de mûrir leur projet professionnel.

Renouer avec la mission fondamentale de l’Université, qui est de diffuser le savoir et la connaissance passe par là. L’Université ne forme pas seulement de futurs travailleurs, ni des exécutant, elle a pour ambition de former des esprits, par l’accès aux savoirs. Elle fait vivre la connaissance, de par sa qualité d’interface avec le monde de la recherche. Il faut le marteler : la connaissance, les savoirs, ont une valeur en eux-mêmes, ou plutôt, ils sont plus précieux que tout car inestimables. L’idéal de l’Université était le libre accès à tous aux savoirs, grâce à la belle notion « d’auditeur libre ». Tout cela s’est un peu perdu au fil des décennies. Eh bien notre projet entend renouer en partie avec cet esprit initial et ce beau projet émancipateur. L’APU réhabilite la belle idée de « gratuité » du savoir, gratuité au sens de ce que l’on fait sans rien attendre en retour ; mais aussi d’ouverture et d’accessibilité : un bachelier scientifique pourra par exemple inclure des modules littéraires à son APU, par curiosité ou pur amour des savoirs.

⇒ Une année de découverte du monde universitaire

L’idée ici, est de faire découvrir le monde universitaire et ses filières. L’APU serait proposée à tous les bacheliers, issus de quelque série que ce soit. Des UE de découvertes devront être proposées aux étudiants (possiblement dans plusieurs universités) tout en ayant pour fonction de découvrir des filières, matières, et faire naitre des vocations plus rapidement qu’en tâtonnant année après année. Ce serait également le lieu d’échange avec les étudiants de différentes filières pouvant intervenir dans ces UE afin de présenter leurs mémoires, ou plus simplement leurs ressentis vis-à-vis de leurs études. Notons enfin que cela permettrait au néo-étudiant de se confronter à ce monde bien différent du lycée qu’est l’Université, son ambiance, ses codes qui ont tout pour chambouler certains.

⇒ Une année de préparation

Il est à noter que cette APU possède intrinsèquement une qualité supplémentaire : elle pourrait servir de préparation. Il est connu que des filières sélectives comme la PACES entrainent un nivèlement social (comme tout concours en soit) par le biais (notamment) des prépas privés qui donnent des cours en dehors de l’université moyennant finance. Cette APU pourrait lisser quelque peu ces inégalités en permettant à un étudiant se sentant faible de découvrir l’université, et de combler des lacunes, prendre de l’avance en quelque sorte, mais aussi peut être se découvrir une autre vocation : une année loin d’être perdue donc. L’étudiant serein quant à ses capacités pourra lui s’inscrire normalement en PACES sans passer par l’APU. Il va de soi que l’APU ne dispensera pas les enseignements normalement réservés à ces filières sélectives, afin de ne pas nuire à l’égalité des chances.

⇒ Organisation pratique

Il s’agit de permettre aux étudiants qui souhaitent bénéficier de l’APU de « choisir » les enseignements qu’ils voudraient suivre, sous forme de modules dont le contenu serait prédéfini, pour approfondir leurs connaissances, ou pour découvrir des univers nouveaux, vers lesquels ils ne se seraient jamais tournés auparavant. Se découvrir littéraire, ou scientifique, ou voir s’épanouir une passion jusqu’à lors inconnue est la plus belle des promesses de l’Université.

Les modules prédéfinis proposeront des enseignements généraux, et couvriront la plus grande partie des champs disciplinaires existants : « biologie », « mécanique », « physique des particules », « mathématiques », « psychologie », « histoire », « littérature », « philosophie », « sociologie », « droit », « économie » etc. Donc des modules généraux comme nous le disions, pour permettre aux étudiants n’ayant pas forcément des bases très solides dans chacune des disciplines de les découvrir sereinement, mais avec une volonté d’exigence au fur et à mesure des enseignements. Chaque module se déroulera sur un semestre. L’étudiant aura accès aux modules proposés par les établissements universitaires de son académie.

Insistons sur le fait qu’un tel dispositif s’inscrit pleinement dans la volonté du gouvernement de promouvoir au maximum des parcours personnalisés. S’agissant de formations débouchant sur un diplôme, cela nous semble une idée fort dangereuse, en particulier en dévalorisant les diplômes. Cependant, la personnalisation n’est pas une mauvaise idée en soi, l’APU en est un bel exemple, de par son caractère non diplômant.

Concernant les droits d’inscription, nous formulons deux propositions possibles :

  • Une somme, unique, inférieure à celle correspondant à une inscription en Licence. La somme devra dans tous les cas faire l’objet de discussion plus approfondies. Dans le cas où l’étudiant aurait choisi des modules proposés par plusieurs universités, la somme devra être répartie entre elles.
  • Un tarif par module à acquitter directement auprès des établissements dans lesquels sont pratiqués les modules choisis.

Nous avons conscience du fait qu’un tel projet nécessite une réelle implication des Université. Cependant, nous sommes convaincus que la mise en place n’est en rien insurmontable.

⇒ Une année facultative

Il faut bien garder à l’esprit que cette APU doit rester facultative, une solution supplémentaire pour un élève ne se sentant pas prêt mais intéressé par l’université. Elle ne devra en aucun cas être imposé sous quelque prétexte que ce soit (filière technologique ou professionnelle). Autrement dit, l’APU ne doit pas être une année de remise à niveau imposée par les Universités.

⇒ Une année tremplin

Enfin pour les étudiants qui en premier semestre auraient trouvé leur voie, il n’est pas impossible d’envisager un S2 sur le modèle du S2 rebondir après le S1 de la PACES. Un semestre renforcé dans le domaine choisi par l’étudiant afin de passer un examen lui permettant de valider le niveau L1 dans ce domaine. Ce dispositif doit être réservé à des étudiants motivés et capables, dans le but d’intégrer une L2 non sélective. Ainsi, pour ceux qui le souhaitent, ou ceux qui se seraient découvert une vocation, l’APU ne serait pas forcément une année « sacrifiée », ce qui est souvent l’une des peurs des parents et des étudiants.

Conclusion

L’Année de Préparation à l’Université n’est pas la solution miracle. Nous en avons parfaitement conscience : cela ne règlera pas tous les problèmes qui se posent actuellement dans l’Enseignement Supérieur, loin s’en faut. Cependant, il s’agit d’une proposition concrète, ambitieuse, certes, mais faisable sous réserve d’un minimum de volonté. Nous sommes convaincus que l’APU peut être mise en place.

Elle permettrait sans nul doute de désengorger en partie les filières sous tension, souvent choisies par défaut ou par facilité par les lycéens. Elle leur permettrait d’affiner leur orientation, d’élargir le champ des possibles, et pourquoi pas de se découvrir une vocation inattendue.

Elle aurait aussi pour mérite de fluidifier les Licences en réduisant le taux d’échec en première année, par le fait qu’elle permet à l’étudiant de se (re)mettre à niveau.

Enfin, l’APU renoue avec l’idéal de l’Université et de l’émancipation par le savoir. Elle sera une formidable occasion de brassage social, de rencontre, de mélange d’étudiants venus d’horizons très divers ; là où bien souvent l’uniformisation sociale est la règle – la situation des études de médecine est, hélas, un triste exemple de reproduction sociale.

Nous proposons que ce système puisse être expérimenté dans une académie française, afin d’évaluer sa faisabilité, son impact, avant, si les résultats étaient au rendez-vous, de le généraliser au territoire.

Faisons vivre l’Université par des projets ambitieux, pour un Enseignement Supérieur innovant et plus juste.

1 COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici