Le CETA : un attentat démocratique.


Le 21 septembre 2017, le CETA est entré en action dans l’Union Européenne. Cet acte constitue un déni de démocratie majeur. N’ayons pas peur des mots, c’est un attentat contre la démocratie, qui s’inscrit dans un processus patient de destruction pure et simple des Etats, par les dirigeants politiques eux-mêmes, dont le seul but est d’affaiblir leurs propres pays. A l’attentat démocratique s’ajoute donc la haute trahison dont se rendent coupables nos dirigeants – Macron en tête. Retour sur le processus d’adoption de ce traité et ses implications.


[nectar_animated_title heading_tag= »h1″ style= »color-strip-reveal » color= »Accent-Color » text= »CETA-dire ? »]

Le CETA, en bon français Comprehensive Economic and Trade Agreement (Accord économique et commercial global AECG), est ce qu’il est convenu d’appeler un traité de libre-échange entre l’Union Européenne et le Canada.

Comment le CETA a-t-il été adopté ?

     • 1ère phase : négociations
Les négociations sur le contenu exact de l’accord ont débuté en 2009 (dans le plus grand secret) et se sont terminées le 30 octobre 2016, non sans mal. En effet, elles avaient dû être suspendues grâce au refus de la Wallonie, la province francophone de la Belgique. Son Président, Paul Magnette, craignait entre autre un impact très négatif sur l’agriculture belge[1]. Bien entendu, la résistance complètement inattendue du petit peuple Wallon n’a pas manqué de susciter des mécontentements de la part des autres pays favorables au traité. Notamment un certain Emmanuel Macron, Ministre français de l’Economie, qui, dans son style inimitable estimait que « les améliorations demandées par les Wallons sont pertinentes, mais elles ne peuvent pas être dans le texte »[2]. Et au final, le Parlement Belge a accepté le texte du CETA, mettant fin au psychodrame[3].

     • 2ème phase : adoption par le Parlement Européen
Cette étape franchie, le Parlement Européen s’est lui aussi prononcé en faveur du CETA, le 15 février 2017. Cependant, il faut noter que 7 pays sur les 28 d’alors ont voté contre ce traité, dont la France, qui s’est montrée la plus hostile, avec seulement 16 voix « pour » sur un total de 74 eurodéputés français[4].

     • 3ème phase : adoption par chaque Etat membre
Enfin, pour que le CETA soit définitivement adopté, il faut que les états membres de l’UE ratifient individuellement le texte. Pour cela, les différents Parlements nationaux doivent chacun voter et accepter le CETA. Or, pour l’instant, cela est encore loin d’être fait. Seuls 6 pays l’ont déjà fait : le Portugal, le Danemark, la Lettonie, Malte, la Croatie et la République Tchèque. Il manque encore 32 signatures de Parlements nationaux (ou régionaux).  Le CETA n’a donc pas été pleinement adopté par l’UE ni par ses pays membres, il manque à cela une étape démocratique décisive : l’approbation par les peuples. 

Mais on le sait, la démocratie n’est pas la vertu première de l’UE – et c’est le moins qu’on puisse dire. Au contraire, on n’aurait aucune peine à démontrer que l’Union Européenne n’est pas démocratique, le traité de 2005 ratifié malgré le refus de 2 pays membres n’est qu’un exemple parmi tant d’autres… Et c’est à un sale coup du même genre qu’on assiste cette fois, avec toutefois des conséquences potentiellement beaucoup plus néfastes et irréversibles.

L’attentat démocratique

Pour accélérer la mise en œuvre du CETA, l’UE a en effet décidé de l’appliquer « partiellement » en attendant son adoption complète, et ce à compter du 21 septembre 2017. L’économiste Jacques Sapir indique sur son blog : « Le CETA a donc été adopté de manière provisoire et partielle le 21 septembre 2017, sur les volets de compétences exclusives à l’UE, excluant temporairement certains volets de compétences partagées nécessitant le vote des pays membres de l’UE, comme la question des tribunaux d’arbitrage ou de la propriété intellectuelle. Mais, environ 90 % des dispositions de l’accord seront appliquées. »[5] Il s’agit donc bel et bien d’un coup de force. Même appliqué « partiellement » – donc à 90%… – il serait très difficile, voire impossible, de faire machine arrière vis-à-vis d’un traité de cette ampleur, et ça, les dirigeants de l’UE le savent très bien. Ainsi, les pays n’auront pratiquement aucune marge de manœuvre quand il leur faudra se prononcer sur le CETA : ils seront peu ou prou obligés de le voter… Coup de force, oui, bel et bien. D’autant que la perversité va encore plus loin : « si un pays rejetait la ratification du CETA, ce dernier n’en continuerait pas moins à s’appliquer pendant trois ans. »[5bis] Tous les verrous sont en place, le piège n’a plus qu’à se refermer.

On voit donc que le processus d’élaboration du texte est déjà en soi un attentat démocratique, c’est un événement d’une particulière gravité. Concernant la France : les eurodéputés français ont majoritairement rejeté le texte, on l’a vu, les français sont majoritairement hostiles au texte (à 62% en juin 2016)[6], bref la France rejette globalement le CETA. Toute la France ? Que nenni, un certain Emmanuel Macron l’adore, lui, le CETA, il le chérit. Lui, le grand démocrate, souhaitait même que le texte ne fût pas ratifié par les Parlements nationaux mais uniquement par le Parlement européen ! Mais qu’importe, car de toutes façons, on l’a vu, le Parlement français n’aura d’autre choix que d’accepter ce traité, et sinon, s’il le refuse, il s’appliquera quand même ! Pile je gagne, face tu perds… 

Enfin, précisons que le même Emmanuel Macron avait demandé une évaluation du CETA auprès d’experts indépendants. Le rapport a été remis le 8 septembre au Président, et malgré sa prudence, il conclut que cet accord serait « légèrement défavorable » pour le climat et pointe les normes canadiennes moins protectrices que les nôtres[7]. Pas de quoi inquiéter le Président – magistral quand il s’agit de faire de beaux discours sur l’urgence écologique, mais pitoyable dans les actes – , pour qui ce rapport tombe trop tard pour être pris en compte. Le CETA est donc bel et bien entré en vigueur partiellement le 21 septembre. 

[divider line_type= »No Line » custom_height= »40″][nectar_animated_title heading_tag= »h1″ style= »color-strip-reveal » color= »Accent-Color » text= »Pourquoi le CETA fait-il si peur ? »]

Il s’agit d’un traité de libre-échange. Son but, selon la vieille doxa libérale, est de fluidifier les échanges commerciaux, de capitaux, afin de permettre aux entreprises européennes de conquérir de nouveaux marchés, de mieux s’exporter. Concrètement, il diminue drastiquement (99%) les barrières d’importation entre l’Europe et le Canada pour faciliter les échanges commerciaux. Il prévoit d’éliminer les droits de douane en 7 ans, également une ouverture des marchés publics aux entreprises européennes et canadiennes – alors que les entreprises canadiennes participent déjà à des marchés publics européens… – et surtout une « harmonisation » des normes sanitaires et environnementales. « Harmonisation », je traduis : dans la novlangue libérale cela signifie « alignement sur les normes les plus favorables aux entreprises, les moins contraignantes et les moins protectrices pour les consommateurs ». Bref : s’aligner sur les normes canadiennes, bien plus faibles que les normes européennes en matière de sécurité sanitaire notamment. Concrètement : autoriser des aliments contenant des substances dangereuses, permettre des modes d’élevage et d’agriculture qui détruisent l’environnement (gaz de schiste ?) etc etc.

Paroles, paroles… 

La promesse de CETA ? : « le traité favoriserait la compétitivité des entreprises européennes tout en étant, selon la Commission européenne, favorable aux consommateurs par des normes de qualités maintenues et des baisses de prix. La Commission européenne estime que le CETA devrait accroître de 25% les échanges commerciaux UE-Canada et entraînerait une augmentation du PIB de l’UE de 12 milliards d’euros par an. »[8] On se prendrait presque à y croire…

Et pourtant, force est de constater que par le passé, les différents traités de libre-échange n’ont jamais tenu leurs promesses. Surtout pas en ce qui concerne l’emploi et le pouvoir d’achat en Europe. Le journaliste économique Benjamin Masse-Stamberger résume : « Le pouvoir d’achat des Européens devait progresser, grâce à l’importation massive de biens à bas coût, produits dans les pays émergents. Or, le constat est inverse: le recul de la production, et donc de la croissance, a bien dû être compensé, souvent par des hausses d’impôt, qui ont fait perdre d’un côté ce qui avait été gagné de l’autre. Les pertes d’emplois industriels, elles, devaient être compensées par une spécialisation dans le «haut de gamme», permettant aux salariés du Vieux Continent d’échanger des travaux pénibles contre des emplois intellectuels, de conception ou d’ingénierie. Mais rien de tel ne s’est produit, du fait notamment de la montée en gamme des pays émergents. Au final, le bilan des délocalisations est sans appel: simplement pour la France, ce sont 2 millions d’emplois industriels qui ont été perdus au cours des trente dernières années, dont 140 000 depuis 2012. L’Europe avait promis, la main sur le cœur, qu’elle protégerait ses citoyens contre les effets délétères d’une mondialisation jugée sauvage. Cette promesse, à l’évidence, n’a pas été tenue. »[9]

En effet, le CETA aura pour effet d’ouvrir à la concurrence des secteurs auparavant protégés comme l’agriculture. Les agriculteurs européens sont soumis à des normes importantes, qui pèsent comme autant de contraintes sur leur productivité et les prix qu’ils pratiquent – mais protègent les consommateurs. Les canadiens, eux, n’ont pas ces normes ni ces contraintes, ils peuvent produire plus simplement, utiliser de la chimie qui augmente les rendements et pratiquer des tarifs beaucoup plus bas. L’agriculture européenne ne survivrait pas à une telle mise en concurrence. A moins, bien sûr, d’adopter les mêmes méthodes que le Canada…

Le danger des tribunaux d’arbitrage

Et c’est justement le point le plus dangereux du CETA. Le but profond du CETA n’est pas seulement d’instaurer une zone de libre-échange entre l’UE et le Canada. Il s’agit d’imposer des normes aux pays européens. Ou plutôt, de détruire les normes qui existent déjà, et qui protègent les citoyens. Pour cela, une « harmonisation » des normes est prévue, je ne reviens pas sur cette affaire. Que dis-je ? Sur cette ignoble entourloupe, digne des plus infâmes crapules. Il y a pire : la possibilité de tribunaux d’arbitrage privés. Nous en avions déjà parlé sur Phrénosphère[10], mais cela mérite amplement la redite. Le CETA prévoit qu’une entreprise privée puisse attaquer en justice un état si elle estime que les normes ou lois de cet état lui sont défavorables, qu’elles entravent la libre concurrence. Par exemple, une loi de lutte contre le tabac, une norme sanitaire etc. Un tel litige sera arbitré par un tribunal ad hoc mais un tribunal privé, ne relevant pas d’un droit démocratique. Les entreprises ont un moyen de pression considérable sur les états, qui peuvent être condamnés à verser de lourdes amendes, mais aussi à retirer la norme gênante. Un moyen de peser sur les législations en dehors de tout cadre démocratique. C’est, littéralement, la loi de l’argent. De tels tribunaux ont déjà fonctionné, l’Australie ayant gagné son procès contre le cigarettier Phillip Morris à propos des paquets neutres. Mais devant le flou de la situation, il se fait que la Nouvelle-Zélande a d’ores et déjà suspendu son propre projet de paquet neutre : les états tremblent de peur, et sont paralysés.

L’Europe des félons

Si j’ai parlé de Haute Trahison dans mon introduction, ça n’est pas au hasard. Je crois avoir montré dans cet article à quel point un traité comme le CETA constitue une agression envers la démocratie, mais aussi une attaque contre la souveraineté de l’Etat français, en particulier de l’Etat de droit. Or, ce traité a été négocié et soutenu par nos dirigeants successifs – dont un particulièrement zélé : Jupiter soi-même. Ces gens ont donc sciemment œuvré contre les intérêts de l’Etat, de la République et de la souveraineté du peuple français. Voilà pourquoi il est légitime de parler de Trahison, voire d’Intelligence avec l’ennemi selon le Code Pénal. Ce traité – qui s’inscrit en plein dans la politique européenne – vise à brader la souveraineté des peuples et à les soumettre à des intérêts privés. La trahison, c’est aussi celle des promesses faites par des gens qui savent très bien qu’elles ne seront jamais tenues. C’est la trahison du langage qui est trituré, torturé. La France est particulièrement victime de cette crapulerie car le peuple français est celui qui refuse le plus largement le CETA. L’Union Européenne se montre clairement l’ennemie du peuple français en rejetant ses aspirations. C’était le cas en 2005, c’est à nouveau le cas. 

Mais à qui profite le crime ? Réponse simple : au firmes transnationales. Le CETA est une marche importante dans la mondialisation, c’est-à-dire ce processus qui vise à dépolitiser le monde. 

Auparavant, la Haute Trahison était le seul crime qui pouvait entraîner la destitution du Président de la République. En 2007, la révision constitutionnelle a supprimé de la Constitution cette possibilité de destitution au profit de ceci : « Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat » – ce qui, convenons-en, n’a aucun sens. Jupiter peut dormir tranquille…

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Grandes étapes :
  • 2009 : début des négociations dans le plus grand secret
  • 26 septembre 2014 : présentation du texte à Ottawa et fin des négociations
  • Juillet 2016 : adoption du texte par la Commission Européenne
  • 20 octobre 2016 : refus des 3 Parlements régionaux belges (Wallonie, Communauté Francophone et Bruxelles-Capitale) de signer le traité, repoussant la validation fixée initialement au 27 octobre
  • 28 octobre 2016 : la Belgique accepte finalement de signer le CETA après des négociations saluées par Paul Magnette, principal opposant belge au CETA
  • 30 octobre 2016 : le texte du CETA est donc approuvé par les états membres, mettant fin aux négociations. Il faudra alors que ce texte soit accepté démocratiquement par le Parlement Européen et les Parlements nationaux.
  • 15 février 2017 : le Parlement Européen adopte le CETA

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Le CETA en vidéo
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Paul Magnette, Ministre-Président de la Wallonie

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Le journaliste économique Benjamin Masse-Stamberger

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Sur les tribunaux d’arbitrage privés
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[1] Sur le refus de nos amis belges : article Le Monde.
[2] La colère de Macron face à ce refus : article Ouest-France.
[3] Les belges acceptent finalement le texte : article Le Monde.
[4] Résultats plus complets sur le vote du CETA au Parlement Européen : article Le Monde.
[5] et [5bis] Sur le déni de démocratie : excellente note de Jacques Sapir sur son blog.
[6] Les français sont hostiles au CETA : sondage de 2016.
[7] Sur le rapport d’expert demandé par Emmanuel Macron : article Le Monde.
[8] Présentation des promesses du CETA : article de Toute l’Europe.
[9] Sur les échecs et les mensonges du libre-échange : article de B. Masse-Stamberger.
[10] Phrénosphère mettait en perspective le CETA et la politique du Président Macron : Ordonnances Macron : quelques précisions utiles.

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