Ordonnances Macron : quelques précisions utiles

En ouverture de son programme, Emmanuel Macron faisait de l’emploi et de la lutte contre le chômage un chantier fondamental de son quinquennat. « Je veux par-là créer des emplois, protéger efficacement chacun et améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs. » Voilà ses promesses. Pour les tenir, sa méthode : légiférer par ordonnances. Voilà un chantier ouvert cet été, et sur les chapeaux de roues, puisque je rappelle pour les distraits que nulle part, dans son programme, Monsieur Macron ne parlait des ordonnances. Quelques éléments d’analyse…

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PRESENTATION


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Le Chef de l’Etat entend réformer le Code du Travail par ordonnances. Une ordonnance est une disposition législative, prévue dans le cadre de la Constitution, qui permet au Gouvernement de légiférer (de faire des lois) directement, sans passer par l’Assemblée. Il suffit pour cela que le Parlement (Assemblée Nationale et Sénat) ait donné son accord au Gouvernement dans une loi dite d’habilitation qui délimite le périmètre des ordonnances futures. Dans le cas des ordonnances Macron, la loi d’habilitation a été adoptée le 1er Août par l’Assemblée : elle se nomme « Projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social » [1]. Nom pompeux certes, mais surtout trompeur, voire mensonger. De plus, le périmètre défini est extrêmement large : le Gouvernement a pour ainsi dire la possibilité de toucher à la quasi intégralité du Code du Travail comme bon lui semble. Le contenu exact sera dévoilé fin Août, mais il est possible de s’en faire une idée relativement précise car des dizaines d’heures de débat ont eu lieu à l’Assemblée. L’analyse qui suit reprend en grande partie ces débats.

Avant d’entrer dans le détail, un point sur la légitimité des ordonnances. On entend partout dans la bouche des défenseurs de la politique jupitérienne (et ils sont nombreux), que ce projet serait légitime car il aurait été annoncé clairement par le candidat Macron dans son programme et que les français auraient massivement approuvé ce projet. Or, cela est faux. D’abord, Macron a été élu en rejet de M. Le Pen, pas par adhésion, son score au premier tour le prouve (15% des inscrits). Quant au projet, il suffit de prendre quelques instants, et de lire. Le programme parle de « simplifier le droit du travail » et aborde l’idée de renversement de la hiérarchie des normes sur laquelle nous reviendrons, mais il n’est nulle part question du travail de nuit, des Prud’hommes, du travail le dimanche, des CDI de chantiers etc. Le programme, là comme partout ailleurs, cultivait le flou le plus total, les citoyens ne pouvaient donc pas se prononcer en faveur d’un projet qu’ils ne connaissaient pas. Il a fallu un article du journal Le Parisien [2], contre lequel s’est insurgé le Gouvernement d’ailleurs, pour y voir plus clair… Mais c’est assez sur ce sujet, qui prouve surtout la mauvaise foi totale des « commentateurs » et du Gouvernement, et entrons dans le vif du sujet.

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LES ORDONNANCES

LE CONTENU


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Quelle est l’idée directrice de ces ordonnances ? Pour Macron et la Ministre du Travail, Muriel Pénicaud, le chômage est avant tout
1) au Code du Travail trop complexe, trop rigide, trop lourd, mal adapté aux situations du marché du travail et aux nouvelles organisations du travail, ce qui empêcherait les chefs d’entreprises de s’adapter aux réalités nouvelles,
2) au coût du travail trop élevé (les cotisations sociales que paient les employeurs entre autre).
Nous verrons que ce présupposé est faux. Le projet d’ordonnances vise surtout à assouplir le Code du Travail et à l’adapter au monde actuel, et à faire sauter un certain nombre de freins pour les employeurs en flexibilisant le marché et les conditions de travail, c’est-à-dire, concrètement, à supprimer un certain nombre de protections pour les salariés. Quelques exemples :

Inversion de la hiérarchie des normes

La vie des salariés est encadrée par la loi. Durée du travail, organisation du poste de travail, travail de nuit, congés, rémunérations, conditions de licenciement, sécurité au travail, etc. le Code du Travail protège les salariés, et rien ne peut l’outrepasser : c’est lui qui a le dernier mot. A côté de la loi, il existe des « accords de branche » passés entre les représentants des salariés (syndicats) et les patrons des entreprises d’une même branche d’activité. Ces accords peuvent prévaloir sur la loi mais à une seule condition : être plus favorables aux salariés que la loi. C’est le principe de faveur, créé en 1982. Il existe donc une hiérarchie des normes : la loi est supérieure aux accords de branche, eux-mêmes supérieurs aux accords d’entreprise, sauf si ces derniers sont plus favorables aux salariés (principe de faveur).
Ce principe de faveur avait déjà été amoindri par le Gouvernement Hollande entre autre, et sa loi El Khomri. Mais Macron souhaite aller au-delà.
Le gouvernement ne cesse de dire 1) qu’il faut pouvoir « négocier au plus près du terrain » mais 2) que non, le projet du gouvernement ne conduit pas à une inversion de la hiérarchie des normes.
Or, nous l’avons vu, il est d’ores et déjà possible de « négocier au plus près du terrain » grâce aux accords de branche ou d’entreprise, à condition de respecter le principe de faveur. Donc, s’il faut, comme le prévoient les ordonnances, aller encore plus loin, cela ne pourra se faire qu’en remettant en cause le principe de faveur, et donc, donner la possibilité aux entreprises de signer des accords défavorables aux salariés. CQFD.
Le plus grave est que cela induit une concurrence des entreprises françaises entre elles, une course à l’échalote pour diminuer toujours plus les protections des salariés afin de gagner en compétitivité. Donc un nivellement par le bas des normes.

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Plafonnement des indemnités prud’homales

En cas de licenciement abusif, c’est-à-dire un licenciement illégal, sans motif valable (faute professionnelle, licenciement économique…), le salarié floué peut saisir le Conseil des prud’hommes, qui, le cas échéant, prononcera une sanction à l’encontre de l’employeur voyou. La sanction est appréciée par le Conseil des prud’hommes, et le salarié bénéficiera d’une indemnité tenant lieu de dédommagement.
Le Gouvernement entend donc plafonner les indemnités que doit verser un employeur en cas de licenciement abusif. Ainsi, pour avoir commis une action illégale, l’employeur saura quel montant maximum il aurait à débourser. Cela pose une question morale évidente.

Le problème, c’est qu’un patron saura dès lors combien lui coûterait un licenciement, abusif ou pas : si j’ai les moyens de me passer d’un salarié, plutôt que de me lancer dans une rupture conventionnelle, longue et possiblement onéreuse, je vais préférer un licenciement abusif que je peux budgétiser, prévoir et anticiper. Le risque n’est-il pas d’encourager les licenciements abusifs ? Surtout quand on sait qu’une rupture conventionnelle peut-être longue, complexe, et potentiellement fort coûteuse. Dès lors, le salarié est une simple variable d’ajustement. Le montant du plafond sera d’une importance cruciale. Mais le CDI en prend un coup, car il deviendra un Contrat à Durée Budgétisée.

Cela introduit en outre une concurrence déloyale entre les grosses entreprises qui pourront recourir à ces méthodes de bandits, et les petites entreprises pour qui le plafond des indemnités sera de toute manière trop élevé. Il y aura donc un « droit » de licencier à deux vitesses.

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Affaiblissement du Contrat à Durée Indéterminée (CDI)

C’est par exemple la généralisation des « CDI de chantiers ». On le sait, le CDI a une durée indéterminée (quelle nouvelle extraordinaire !), il est le plus favorable aux salariés. Le Saint Graal en quelque sorte. Il existe des CDI dits « de chantier » : sans date précise de fin (contrairement au CDD), il se termine lorsque la mission confiée au travailleur est achevée. Il est jusqu’à présent réservé au secteur du bâtiment, et cela se comprend, et comporte des obligations pour l’employeur (recaser l’employé en fin de mission, priorité à l’embauche). Or, le gouvernement a évoqué l’idée de généraliser à d’autres secteurs ces CDI de chantier rebaptisés pour l’occasion (dans le plus pur style de la novlangue macronienne) « CDI de projet ».

Or, cela constitue une précarisation du CDI, en grignotant petit à petit toutes les sécurités qu’il garantissait aux salariés. Et ce, même si la Ministre du Travail assurait à l’Assemblée Nationale qu’il s’agissait malgré tout de CDI, avec toutes les protections inhérentes. Cela est juste, en théorie. Mais en pratique, il s’agit de raboter doucement le principe même du CDI. Et une fois que le ver est dans le fruit, le fruit est promis à la pourriture. En créant les CDI de chantier, on rapproche subrepticement le CDI du CDD, et par un glissement progressif, le risque est grand de détruire purement et simplement le CDI.

Le CDI est remis en question par d’autres mesures : il y a là une volonté d’entrer à plein dans l’ubérisation du travail.

Coups portés contre le dialogue social

Le programme d’En Marche souhaitait « redéfinir le dialogue social ». On était loin de savoir à quel point… Le projet d’habilitation des ordonnances sur le code du travail prévoit en effet d’affaiblir le dialogue social et de taper fort, très fort, contre les syndicats de salariés. Par exemple, en proposant que les syndicats ne soient plus rémunérés par les cotisations des adhérents, mais par le patron directement. « Nous permettrons à chaque salarié d’apporter des ressources financées par l’employeur au syndicat de son choix ». Il y a là bien entendu un coup dur porté contre l’indépendance des syndicats, qui seront de fait inféodés aux chefs d’entreprises. Comment être virulent, pugnace, contre celui qui nous paie ?

Autre exemple, les chefs d’entreprise pourront s’ils le souhaitent, recourir à un référendum pour faire appliquer telle ou telle mesure, sur par exemple les conditions de travail. Cette idée se pare des atours de la démocratie alors qu’elle en est la négation. La démocratie suppose que l’on choisisse par le vote de manière souveraine, alors que dans cette situation le salarié est soumis hiérarchiquement à son employeur, il ne peut donc pas être souverain dans son vote. C’est le processus démocratique même qui est biaisé. C’est surtout une façon de faire passer en douce tout un tas de mesures auxquelles les syndicats ne pourront pas s’opposer car ils n’auront pas leur mot à dire.

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Autres mesures

  • Facilitation du recours au travail de nuit, et possibilité d’empiéter sur les horaires de travail de nuit sans être considéré comme tel [3].
  • Possibilité offerte aux patrons de négocier avec des salariés plutôt qu’avec des représentants syndicaux.
  • Extension du travail du dimanche.
  • Fusion des Comités d’Entreprises et des Comités d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), ce qui risque d’amoindrir le rôle des CHSCT chargés de veiller à la sécurité des travailleurs entre autre.
  • Redéfinition des critères des licenciements économiques : les difficultés économiques d’une entreprise lui permettant de recourir à un licenciement économique s’appréciaient au niveau du groupe, donc à l’échelle internationale, mais les ordonnances prévoient de permettre d’apprécier ces difficultés à un niveau strictement français. Les multinationales, qui sont les championnes quand il s’agit de planquer leurs bénéfices à l’étranger, pourront donc artificiellement mettre leurs filiales françaises en difficulté pour mener des licenciements économiques.
  • Possibilité de recourir plus facilement aux contrats courts.
  • Faciliter le télétravail/ travail à distance avec tous les problèmes que ça pose : difficulté à compter les heures réellement effectuées, introduction du travail au sein du foyer, impossibilité de se déconnecter etc.

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QUELQUES COMMENTAIRES


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Ce qui saute aux yeux, c’est que toutes ces mesures visent à diminuer les protections auparavant garanties aux salariés. Flexibilité est le maître mot. Mais avec un minimum de sécurité. On voit en outre difficilement comment elles pourraient réduire le chômage, objectif pourtant affiché par le Gouvernement. Ce n’est que dans les fantasmes du Medef que faciliter les licenciements peut encourager les embauches… Mais quand bien même cela se pourrait, la question est la suivante : réduire le chômage, mais à quel prix ? Au prix d’une précarisation des salariés et d’une augmentation massive du nombre des travailleurs pauvres, comme c’est le cas en Allemagne [4], présenté partout comme un modèle ? Est-ce notre objectif ? Moins de chômeurs mais plus de pauvres ? Car c’est à cela que mèneront ces ordonnances.

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De plus, tout cela est très défavorable aux TPE/PME, aux petites entreprises, car ce projet les met directement en concurrence avec les grosses entreprises, concurrence qu’elles ne peuvent pas gagner, bien évidemment. Les mesures du gouvernement de François Hollande avaient elles aussi largement bénéficié aux grosses entreprises au détriment des TPE/PME, je pense là au CICE. Le projet Macron ira encore plus loin dans ce sens. Les petites entreprises ne pourront pas bénéficier de ces mesures comme les grosses. Il y avait du dumping [5] avec les autres états européens et en particulier l’Allemagne ? Qu’à cela ne tienne, Macron va organiser un dumping de plus, mais rien qu’en France ! Trop fort cet homme !

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L’ERREUR DE BASE DE MACRON


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Nous avons vu que pour Monsieur Macron, le chômage était principalement dû au coût de travail et à l’excès de normes. En ce sens, le projet de loi répond parfaitement à ces prétendus freins à l’embauche. Or, cette idée est fausse.
L’Insee mène depuis de nombreuses années une étude réalisée après des chefs d’entreprises pour connaître leurs principales difficultés face à l’embauche. Il s’agit d’évaluer au plus près des acteurs réels, les véritables freins à l’embauche. Le résultat est sans appel, en 2016, les freins à l’embauche augmentent légèrement, mais surtout, l’Insee nous indique ce qui pèse le plus fortement au moment de l’embauche [6] :

Les embauches sont freinées

  • par l’incertitude sur la situation économique (barrière citée par 28 % des entreprises),
  • la difficulté à trouver de la main-d’œuvre compétente (27 % des entreprises),
  • un coût de l’emploi jugé trop élevé (23 % des entreprises)
  • et par la réglementation du marché de l’emploi (18 % des entreprises)

Ainsi, il apparaît clairement que le diagnostic du gouvernement est erroné, ou plutôt, biaisé, par l’idéologie (libérale) et le souci de plaire au Medef et de favoriser toujours plus les grosses sociétés.
Il faudrait, si on en croit les chefs d’entreprises eux-mêmes, relancer l’économie pour remplir les carnets de commande. Et quoi de plus banal que de dire ça : si le carnet de commande est vide, s’il n’y a pas de travail à faire, même avec toutes les facilités du monde et un coût de travail très faible, le patron n’embauchera jamais. C’est là aussi d’une évidence élémentaire, un enfant le comprendrait, mais pas notre Président apparemment… De là à dire qu’il serait plus bête qu’un enfant, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas, je le crois plutôt cynique et pétri d’idéologie.

Donc : remplir les carnets de commande. Cela implique de relancer la consommation, et de redonner du pouvoir d’achat aux ménages, et en particulier les ménages modestes. En effet, ce sont eux qui consomment et font tourner l’économie réelle. Les riches eux, investissent et épargnent d’avantage, et font plutôt tourner la machine financière [7]. Or, pour l’instant, le Gouvernement semble plutôt allez dans le sens inverse :

  • Prendre aux pauvres pour donner aux riches : baisse de l’ISF, bouclier fiscal à 30% sur le revenu du capital, et en parallèles, baisse des APL, augmentation de la CSG…
  • Politique d’austérité : baisse des dotations aux collectivités locales qui font fonctionner le tissu économique local non délocalisable, baisse des budgets des différents ministères, gel du point d’indice des fonctionnaires…

Cependant, pour éviter d’être trop caricaturaux, il faut rajouter que le programme de Macron prévoit une hausse de pouvoir d’achat des travailleurs grâce à la baisse des cotisations sociales : le programme prévoit 500 euros de hausse du pouvoir d’achat. Il prévoyait également une exonération de la taxe d’habitation pour les 80% des foyers les plus modestes. Mais là encore, mettons en cohérence toutes ces mesures disparates. La future loi travail risque bien de réduire à néant ces intentions pourtant louables. Car elle permettra par exemple de renégocier la rémunération des heures supplémentaires, des horaires de nuit, de précariser le CDI etc. Tout cela se traduira in fine par une baisse du pouvoir d’achat. De plus, on sait très bien que les facilités de licenciements favorisent les délocalisations. Il faudra donc faire un bilan exhaustif de ces mesures sur le pouvoir d’achat. Quoi qu’il en soit, nous sommes très loin du compte : il faudrait relancer massivement la consommation, au lieu de ça, on en est réduit à des comptes d’apothicaires.

Je ne souhaite pas trancher ici le débat entre les tenants de la politique de l’offre (Macron et consorts) et la politique de la demande (relance par la consommation), je ne suis pas économiste [8]. En revanche, il semble indubitable qu’introduire une part de politique de la demande dans notre stratégie économique n’est pas un luxe dont on peut se passer à l’heure actuelle. Et je ne parle même pas de l’impact que cela aurait en termes de réduction des inégalités et de justice sociale. D’ailleurs, le Fond Monétaire International (FMI) reconnaît lui-même que trop d’austérité est une stratégie contre-productive et conduit à un recul de l’économie [9]. Magister dixit, écoutons-le pour une fois.

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UN PEU DE PHILOSOPHIE


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Il existe une philosophie générale que je considère comme fautive et sur laquelle je voudrais revenir quelques instants.

L’idée est que le dialogue dans l’entreprise peut se faire de l’employé à l’employeur de manière libre et sur un pied d’égalité. L’employé n’aurait aucune difficulté à faire entendre son point de vue contre celui de son patron. C’est bien entendu faux. Il existe une subordination, un lien hiérarchique évident qui fait que l’on ne s’oppose jamais librement à un supérieur. C’est une évidence si claire qu’il paraît inconcevable que les députés En Marche ne la voient pas, à moins qu’ils ne veuillent simplement pas la voir… Le dialogue n’est pas libre, c’est pour cela qu’existent des syndicats, plus forts face aux employeurs, et un Code du Travail. Mais allons plus loin, au-delà de l’entreprise, l’idéologie de Monsieur Macron – l’idéologie libérale à vrai dire – est de dissoudre peu à peu la portée de la loi, sa puissance, sa prééminence. Car la loi témoigne d’une force collective, d’un Etat, d’un peuple, d’une nation, c’est-à-dire d’une communauté puissante et souveraine, plus puissante que les entreprises et leurs velléités de suprématie sur le monde. Elle est en outre, dans nos pays, l’instrument de la démocratie. L’objectif des libéraux est de promouvoir le contrat au détriment de la loi, de favoriser le dialogue entre les individus au lieu de la loi, d’encourager les normes particulières et ponctuelles en défaveur de la loi. On passe de la lutte collective au dialogue entre individus, car là où les collectivités sont fortes et peuvent se faire respecter, l’individu est isolé et faible. Cela suppose une égalité entre ceux qui dialoguent ou passent un contrat, ce qui n’est pas le cas, on l’a vu. La véritable cible de ce processus est de donner les coudées franches aux grandes entreprises, de leur laisser faire ce qu’elles veulent sans risque, de ne pas être inquiétées par les normes législatives nationales, de surpasser toutes les lois et de se placer au-dessus de la démocratie partout et tout le temps.

Dans ce sens, le CETA (Traité de Libre Echange avec le Canada) est exemplaire puisqu’il permet des tribunaux d’arbitrages privés, dans lesquels les grandes entreprises peuvent poursuivre en justice des états dont les normes iraient à l’encontre de leurs intérêts (normes sociales, environnementales, etc). De tels tribunaux ont déjà fonctionné, l’Australie ayant gagné son procès contre le cigarettier Phillip Morris à propos des paquets neutres. Mais devant le flou de la situation, il se fait que la Nouvelle-Zélande a d’ores et déjà suspendu son propre projet de paquet neutre : les états tremblent de peur, et sont paralysés [10]. Le marché avance, la démocratie chavire, bientôt, elle risque de couler, emportant par-dessus bord femmes et enfants.

[vc_video link=”https://www.youtube.com/watch?v=LLi4dej-nwk” align=”center”]


[1] – Retrouvez le texte des ordonnances : site de l’Assemblée Nationale.
[2]Article du journal Le Parisien qui dévoile le projet des ordonnances.
[3] – Sur le travail de nuit, retrouvez cet article de juritravail.com pour en savoir plus.
[4] – Un article du quotidien Challenges sur la pauvreté en France (14%) et en Allemagne (17%).
[5] – Wikipédia nous renseigne sur le sens de l’expression dumping social.  
[6] – Retrouvez l’étude de l’Insee sur les barrières à l’embauche en 2017 selon les patrons. (A noter que d’autres baromètres existent avec une pertinence plus que douteuse : le groupe Axa en a réalisé un auprès de seulement 500 patrons contre 10 000 pour l’Insee et avec des enquêtes assez orientées.)
[7] – L’Insee nous montre entre autre que le taux d’épargne des plus riches est supérieur à celui des plus modestes. Une étude fort intéressante dans son ensemble : Les inégalités entre ménages dans les comptes nationaux.
[8] – Politique de l’offre vs de la demande :

[9] – Un article de Libération sur l’erreur du FMI sur l’austérité. 
[10]Résumé du procès d’arbitrage privé de l’Australie contre Philip Morris.

2 Commentaires

  1. […] [1] Sur le refus de nos amis belges : article Le Monde. [2] La colère de Macron face à ce refus : article Ouest-France. [3] Les belges acceptent finalement le texte : article Le Monde. [4] Résultats plus complets sur le vote du CETA au Parlement Européen : article Le Monde. [5] et [5bis] Sur le déni de démocratie : excellente note de Jacques Sapir sur son blog. [6] Les français sont hostiles au CETA : sondage de 2016. [7] Sur le rapport d’expert demandé par Emmanuel Macron : article Le Monde. [8] Présentation des promesses du CETA : article de Toute l’Europe. [9] Sur les échecs et les mensonges du libre-échange : article de B. Masse-Stamberger. [10] Phrénosphère mettait en perspective le CETA et la politique du Président Macron : Ordonnances Macron : quelques précisions utiles. […]

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