Qui veut la peau de l’Université ? – Nos propositions

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Dossier :

Qui veut la peau de l’Université ?

Nos propositions


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Le Projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants entend remettre instaurer une possibilité de sélectionner les étudiants à l’entrée de l’Université, s’inscrivant en cela dans la continuité des multiples réformes antérieures, mouvement impulsé en grande partie par la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités (loi LRU) de 2007, mise en place par le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Cette loi donne plus de liberté aux Universités, mais surtout, elle amorce leur mise en concurrence. Il s’agissait en fait de faire entrer le loup dans la bergerie : il y est désormais bien installé et sème la terreur. Dès lors, l’alternative qui s’offre à nous est claire : protéger notre université séculaire, et faire vivre son idéal d’émancipation et de justice, coûte que coûte ; ou abdiquer et le laisser sombrer dans l’abîme.

Le gouvernement d’Emmanuel Macron, par l’entremise de sa Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et de l’Innovation, Mme Frédérique Vidal, avance au pas de charge. Tergiverser n’est donc plus un luxe que nous pouvons nous offrir.

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Nous avons dit en quoi ce projet de réforme nous semblait néfaste. Mais la critique, pour nécessaire qu’elle soit, n’est pas suffisante. Il nous faut essayer de construire une vision positive de l’Université, et donner quelques pistes de réflexions. C’est ce que nous allons faire. Des idées concrètes, des pistes de travail pour redessiner les contours d’un système qui renoue avec les idéaux premiers. L’heure est venue de “mettre les mains dans le cambouis”. Il nous faut affirmer sans relâche notre opposition inflexible à ce projet, ne rien céder sans une âpre bataille tant les enjeux sont importants : il en va rien moins que de la survie de l’Université française. Mais s’opposer ne règlera pas les problèmes, il nous faut aussi nous organiser en force de proposition : reprenant la belle formule de Thoreau, soyons « une contre-friction pour gripper la machine ».

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[toggles style=”minimal”][toggle color=”Default” title=”I. Le nerf de la guerre : les budgets”]

Si le constat du manque de places disponibles dans l’Enseignement Supérieur est partagé par tous, même par cette réforme, les solutions qu’entend y apporter ce gouvernement nous semblent aller contre le bon sens le plus élémentaires : si les places font défaut, il faut plus de places. Et non limiter l’accès aux formations de l’Enseignement Supérieur par des « pré-requis ». La loi prend le problème à l’envers, elle s’attaque aux conséquences d’un mal dont elle s’interdit de comprendre les causes. Nous reviendrons sur ces causes.

Il faut plus de places à l’Université, et en particulier dans les filières sous tension. Pour cela, une seule solution possible : plus de moyens. Il faut en finir avec les coupes budgétaires incessantes, contre lesquelles s’insurgeait en 2016 Cédric Villani (aujourd’hui député LREM), évoquant un « suicide scientifique et industriel ». La loi LRU, en donnant plus d’autonomie aux établissements, a permis à l’Etat de baisser subrepticement ses dotations, paupérisant l’enseignement supérieur. Il est urgent d’inverser le processus.

Les 35 000 places supplémentaires prévues par la loi qui s’annonce ne sont qu’un effet d’affichage, très largement insuffisant au regard des besoins réels.

[/toggle][toggle color=”Default” title=”II. Redonner toute sa place au baccalauréat”]

Le problème de l’Université ne se réglera pas à l’Université, contrairement à ce que croient nos dirigeants successifs, et faire de l’université une place forte, la barricader à coups de sélection, d’attendus ou de pré-requis n’a aucun sens. Le mal est bien plus profond. Nous ne pouvons nous dispenser ici d’une réflexion plus approfondie sur les racines des maux qui rongent notre Université, et revenir au minimum au lycée.

Rappelons qu’il existe d’ores et déjà, et depuis l’origine, une sélection à l’entrée de l’Université : le baccalauréat. Il a cette double appartenance, à la fois aux études secondaires dont il marque la fin et à la fois aux études supérieures dont il est la première étape. Son existence justifie l’absence de sélection à l’entrée de l’Université. Une grande partie du problème vient de ce que le bac actuel n’a plus aucun sens, et ne forme plus à rien. Le baccalauréat a été vidé de sa substance, il est bradé, donné, et les savoirs dilapidés. Alors que le bac garantissait un solide niveau de savoirs de connaissances, on observe une baisse générale et catastrophique du niveau du baccalauréat. Cela se traduit très concrètement par des étudiants qui arrivent à la fac alors qu’ils n’ont pas le niveau. D’ailleurs, notre Ministre en a conscience. Certains étudiants ne pourront désormais être acceptés que sous réserve de participer à un « accompagnement pédagogique » déterminé. En clair : une remise à niveau. Quel terrible aveu d’échec, et quel aveuglement ! Un aveuglement qui a un coût certain : mise en place de ces “remises à niveau”,  perte d’un an ou deux des étudiants dans le système universitaire, gâchis humain…

Il faut donc d’urgence réinstaurer un baccalauréat exigeant, qui est la seule sélection possible à l’Université. Rehausser le niveau de lycée, se réorienter vers les savoirs fondamentaux, stopper immédiatement les consignes ministérielles visant à remonter les notes… Tout cela qui, de surcroît, donne à l’étudiant une fausse idée de lui-même. On peut se rengorger à la manière de volatiles boursouflés et vaniteux, on peut se féliciter en se frottant les cuisses en voyant le taux de réussite au bac. Rendez-vous compte, 90% de réussite ! Mais la réalité est tenace : les lycéens ont un niveau misérable, tous les classements internationaux nous le montrent. Il est grand temps d’y remédier sérieusement. Tout le reste ne relève que du cataplasme sur une jambe de bois !

Pour que le baccalauréat reste le premier diplôme universitaire, qu’il joue pleinement son rôle, il faut donc cesser instamment de le dévaluer à tout bout de champ comme cela se produit aujoud’hui. Dévaluation par son contenu et pas ses exigences nous venons de le voir, mais aussi par sa valeur sur le marché de l’emploi. Il n’est pas nécessaire, ni souhaitable, que tous les métiers exigent le baccalauréat. Des métiers à faible qualification ne devraient pas requérir le bac. Il faut voir que cette propension à exiger de plus en plus le bac entraîne sa dévaluation, mais en est aussi une conséquence. De nombreux postes étaient ouverts auparavant même sans bac : les gardiens de la paix, les instituteurs etc. Pourquoi ? Parce que notamment le BEPC, et avant le Brevet Élémentaire avaient un sens. On savait lire et écrire correctement, compter, on connaissait un peu d’histoire de France, des rudiments d’histoire naturelle etc. Bien sûr, il ne s’agit absolument pas de revenir au vieux BEPC. Les choses ont heureusement évoluées. Cependant, les savoirs fondamentaux étaient appris et maîtrisés et l’on considéraient qu’ils suffisaient pour un certain nombre de métiers sans qu’il ne soit besoin du baccalauréat. Le baccalauréat était alors là pour ceux qui souhaitaient et étaient capable de poursuivre dans le supérieur.  Une réflexion de fond sur ce sujet est indispensable afin de redonner sa juste place au baccalauréat. Mais on voit bien que s’interroger sur le bac revient toujours à s’interroger aussi aux niveaux inférieurs le collège, voire le primaire.

[/toggle][toggle color=”Default” title=”III. Repenser les filières professionnelles”]

Il nous faut donc accepter une société dans laquelle tout le monde n’aurait pas le bac, accepter qu’il existe d’autres filières, d’autres voies qui ne soient pas des voies de garage, accepter que le bac ne soit pas le Saint Graal. Cela est sûrement dur à entendre, mais nous ne pourrons y échapper à moins de rester dans l’hypocrisie qui est la nôtre aujourd’hui. Que l’on n’ait pas le bac ne doit plus être un drame. Voilà une façon vraiment républicaine de replacer le baccalauréat au centre du système de l’enseignement supérieur, tout en préservant et en encourageant les filières professionnelles. Cela redonnera un sens au bac, qui retrouvera son rôle de sélection à l’entrée de l’Université et pourra sans doute diminuer le nombre d’étudiants dans le supérieur.

L’idée de créer des enseignements professionnalisants dans les cursus de licence, comme le prévoit le plan étudiant du gouvernement est donc une hérésie, qui va tout-à-fait à l’encontre de ce qu’il faudrait faire. C’est une façon de brouiller complètement les missions de l’Université. Quelle sera la prochaine étape ? Des formations universitaires de maçonnerie ? Soyons sérieux…

Il n’est pas facile aujourd’hui de porter une telle idée. Dire qu’il faut accepter que des gens aient ou n’aient pas le bac semble une offense à notre idéal d’égalité, et une volonté de restreindre l’accès aux savoirs à une élite. Or, ce n’est pas du tout mon propos. Car il est évident qu’en renforçant la qualité et l’exigence des enseignements au lycée, mais aussi au collège et en primaire, cela profitera à tout le monde, et c’est d’ailleurs la conception républicaine de l’élite et la condition première de l’ascension sociale. En réalité, c’est en voulant à tout prix que tout le monde ait accès au supérieur que l’on a abaissé le niveau des élèves et donc que l’on a accentué toujours plus les inégalités sociales de départ.  Je ne vais pas m’étendre là-dessus…

Les “élites”, au sens républicain du terme, ne sont pas que les intellectuels, les dirigeants, les puissants. Il nous faut retrouver l’idée selon laquelle il est des élites “manuelles”, notamment en voyant qu’un artisan fait certes un métier manuel, mais que la charge intellectuelle est également importante ; de la même manière qu’un médecin a une activité “manuelle” fondamentale (examiner, manipuler, ausculter, percuter, ponctionner, suturer, palper etc.).  Une réflexion est à mener en particulier au lycée, et avec les parents d’élèves, sur la place des filières professionnelles.

[/toggle][toggle color=”Default” title=”IV. L’orientation au lycée”]

Voilà un sujet complexe. Nous avons aujourd’hui un déficit patent dans la qualité de l’orientation. Ce qui contribue aux difficultés du supérieur. Le plan étudiants du gouvernement prévoit notamment d’instaurer deux professeurs principaux en terminale, de créer “deux semaines de l’orientation” pour aider les élèves à trouver leur voie. Cette deuxième idée en particulier me semble intéressante. Je ne reviendrai pas sur la “fiche avenir” que j’ai longuement critiquée par ailleurs, ni sur son caractère profondément dangereux.

Le déficit dont nous parlons est en premier lieu un déficit d’information. Les professeurs ne sont pas au courant des parcours très complexes qui existent – et qui pourrait le leur reprocher, ça n’est pas leur métier -, les CIO sont complètement à la ramasse, les salons type “Infosup” ne permettent pas suffisamment de préciser les choses pour les étudiants (car trop bruyants, trop denses, trop “publicitaires”…) etc. Il n’y a pas de solutions miracle, ça se saurait. Tout ce qui existe déjà, malgré des réserves que nous venons de formuler, est plutôt positif et doit être consolidé. Nous pouvons essayer d’y adjoindre d’autres propositions.

Par exemple, faire intervenir plus d’étudiants dans les lycées, venus des fac, prépas, grandes écoles etc. L’orientation devient concrète quand on a en face de soi quelqu’un qui vit au quotidien ce dont il parle, qui peut nous parler des détails de la vie étudiante, des cours, de l’ambiance, toutes choses qui permettent aux jeunes gens de se projeter. Il faut que les étudiants qui se déplacent dans les lycées soient reconnus et soutenus dans leur action. Pour cela, nous proposons par exemple de créer des emplois étudiants dédié à ces missions (plutôt que des crédits universitaires) qui permettront à tous les étudiants qui le souhaitent de s’impliquer dans cette mission. Bien sûr, pas des emplois à plein temps, mais des interventions ponctuelles.

En parallèle, utiliser les moyens numériques : des visio-conférences avec des étudiants, des visites des campus, promouvoir encore plus la plateforme Onisep, qui propose des services intéressants et qui va être modernisée etc.

Il faut aussi des cours “théoriques” sur l’organisation du supérieur (qui existent déjà) car nombre de lycéens ne connaissent pas les possibilités qui existent après le lycée. Ensuite, des ateliers par petits groupes, avec un intervenant extérieur en plus du professeur (par exemple le conseiller d’orientation) afin de réaliser des cas concrets. Aujourd’hui les mieux informés sur les méandres de l’orientation post-bac sont, n’en doutons pas, les élèves favorisés dont les parents ont déjà profité des grandes-écoles, des parcours “d’élite” etc. Ils savent comment se présenter, comment postuler, à qui s’adresser etc.

Mais allons plus loin. Dans cette perspective, il faut aussi que des interventions aient lieu en lycée voire en collège avec des représentants d’autres métiers, sur le mode de “forums” des métiers au sein de la classe ou de l’établissement. Des boulangers, des gendarmes, des secrétaires, des infirmiers, des mécaniciens, des coiffeurs… pour que justement ces professions ne soient plus des “voies de garage”.

[/toggle][toggle color=”Default” title=”V. Le rôle du primaire et du collège”]

Nous débordons un peu du sujet du supérieur, mais il nous semblait important de rappeler que le système éducatif forme une longue chaîne, et que toucher au dernier maillon a des conséquences sur tout le reste. On ne peut isoler la question du supérieur sans parler du lycée, puis du collège et du primaire. S’il faut repenser le baccalauréat et les filières professionnelles, on ne peut pas passer sous silence le rôle du premier et second degré (maternelle/primaire et collège/lycée).

Un bac plus exigeant implique un lycée plus exigeant donc un collège plus exigeant, donc une école primaire plus exigeante. En fait, le but à poursuivre est que les jeunes aient des savoirs solides dans les disciplines fondamentales au sortir du collège. Car c’est à cette période de la vie que les enfants ont à faire le premier – et l’un des plus cruciaux – choix d’orientation.

Nous ne pousserons pas plus loin la réflexion sur le primaire et le collège, car nous nous éloignons un peu du sujet initial, mais il faut bien comprendre que l’on ne peut s’en dispenser.

[/toggle][toggle color=”Default” title=”VI. Une proposition Phrénosphère : l’Année de Préparation à l’Université “]

Cette proposition fait l’objet d’un article à part entière que vous pouvez retrouver ici : Focus sur l’APU !

En gros, nous posons dans le débat l’idée d’une année facultative non diplômante, modulaire, une sorte d’année zéro pour les jeunes qui le souhaitent. Possibilité de choisir les enseignement, peu importe les champs disciplinaires, possibilité de découvrir l’Université, le fonctionnement des faculté, de réfléchir à son orientation en expérimentant plusieurs disciplines, et, pour ceux qui auraient affiné leur projet, possibilité de “passerelles” pour intégrer une deuxième année de licence choisie (après un examen de passage bien entendu). Voilà très rapidement présenté le projet, nous vous invitons à le découvrir plus avant.

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Pour conclure, j’insisterai à nouveau sur le fait qu’une sélection est effectivement nécessaire, qu’elle a toujours existé. La question de se pose est la suivante : quelle sélection ? Pour nous, les choses sont claires, cela passe par le baccalauréat. J’espère que les quelques pistes suggérées ici seront autant de matière à réflexion face à l’urgence de la situation.

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