La démocratie sera illibérale ou ne sera pas
Ou, l’art de ne pas nommer les choses…
Vous n’avez pas pu y échapper, un concept se répand comme une grosse flaque de pisse sous les basques d’un bavarois incontinent à la fête de la bière : la “démocratie illibérale”. Que ce soit pour la dénoncer ou la glorifier : la Hongrie et la Pologne de messieurs Orban et Kaczynski sont présentées tour à tour par les uns comme d’affreux régimes qui bafouent les droits humains et par les autres comme des modèles de souveraineté et de patriotisme. Bien que le concept ait plus d’une trentaine d’année d’existence, ce n’est que depuis quelques années qu’on parle aussi régulièrement de « l’illibéralisme » de certaines démocraties (outre la Pologne et la Hongrie, citons l’Inde de Modi, le Brésil de Bolsonaro ou la Turquie d’Erdogan parmi d’autres). Macron soi-même de fustiger « la montée de l’illibéralisme »[1] ou encore la « tentation illibérale croissante »[2], et ce depuis le début de ses fonctions présidentielles. Nul doute que dans son esprit supérieur, ce genre de formule ait du sens. De même que dans ceux de tous les journalistes, politistes, commentateurs, philosophes ou éditorialistes qui les reprennent ad nauseam. Mais, soyons clairs, l’idée de démocratie illibérale est totalement vide, creuse comme un discours d’Aurore Bergé – c’est dire si on approche du néant absolu. Autant ceux qui dénoncent l’illibéralisme d’Orban que ceux qui retournent le qualificatif contre Macron lui-même, tous véhiculent un concept qui, parce que vide, participe à la dépolitisation galopante. Il est même un obstacle lorsqu’il s’agit de penser véritablement la démocratie.
Dans les années 1990, Pierre Rosanvallon contribue à introduire le terme d’illibéralisme pour qualifier de la sorte le régime du Second Empire personnifié par Napoléon III. Pour l’historien, il y a alors « dissociation […] entre démocratie et libéralisme »[3] qui « se caractérise […] par une séparation radicale entre la sphère politique et la société civile »[4]. La politique, incarnée par l’Empereur, absorbe la sphère civile, elle s’hypertrophie et exerce « un monopole de fait sur tout ce qui pourrait être considéré comme ‶public″ »[5], sacrifiant par là les libertés publiques, censées être l’apport du libéralisme. Il est pour le moins étrange de parler de démocratie dans cette histoire, ce que Rosanvallon semble pourtant justifier par le fait que « la conception du peuple comme entité unique et indivisible, qui radicalise la vision révolutionnaire, est au […] au cœur de la théorie bonapartiste de la souveraineté »[6], dans la mesure où Napoléon III recours fréquemment aux plébiscites afin d’établir une sorte de lien organique avec le peuple. C’est à l’évidence une vision très faible et frelatée de la démocratie… On pourrait donc contester l’origine même de l’idée de démocratie illibérale en montrant que si le Second Empire est illibéral en un certain sens, il n’a rien de démocratique, tout au contraire. Pierre Rosanvallon propose une définition relativement claire de l’illibéralisme dans une intervention à l’Académie des sciences morales et politiques :
On appellera « illibérale » une culture politique qui disqualifie en son principe la vision libérale. Il ne s’agit donc pas seulement de stigmatiser ce qui constituerait des entorses commises aux droits des personnes, marquant un écart plus ou moins dissimulé entre une pratique et une norme proclamée. Le problème est plus profondément de comprendre une étrangeté constitutive.[7]
La démocratie illibérale se caractérise ainsi par ce qu’elle se révèle étrangère à la question des libertés individuelles et au droit des personnes. Quelques temps plus tard, c’est l’auteur et journaliste américain Fareed Zakaria qui popularise la notion. Son analyse, on s’en doute, est considérablement moins profonde que celle du philosophe français, mais c’est à partir de la fin des années 1990 qu’elle place la notion d’illibéralisme sur le devant de la scène. Il considère qu’une démocratie illibérale est « une démocratie sans libéralisme constitutionnel qui produit des régimes centralisés, l’érosion de la liberté, des compétitions ethniques, des conflits et la guerre »[8], en insistant sur la nécessité d’un libéralisme constitutionnel et de la défense de l’Etat de droit pour garantir les libertés individuelles. Il ajoute que « la démocratie sans le libéralisme constitutionnel n’est pas simplement insuffisante : elle est dangereuse, source d’érosion des libertés, d’abus de pouvoir »[9]. Il n’y a aucune ambiguïté. C’est peu ou prou cette vision de la démocratie illibérale qui domine dans les usages qu’on fait de la notion – dès lors qu’il s’agit de la condamner. Le libéralisme protègerait les individus des « excès » liberticides de la démocratie. Par parenthèse, c’est aussi, quoiqu’il ne le formule pas en ces termes, la vision que défend Alain Caillé dans un petit opuscule, lorsqu’il présente « le totalitarisme comme exacerbation et corruption de l’idéal démocratique »[10] qui « supprime toues les libertés individuelles au nom de l’égalité »[11].
Le problème majeur que pose le concept de « démocratie illibérale », la confusion totale sur laquelle il est intégralement construit, l’entourloupe pour ne pas dire la fraude qui lui donne un semblant de consistance tient à sa définition de la démocratie. Tous ceux qui défendent l’usage de ce concept, pour le dénoncer ou l’encenser, réduisent la démocratie au seul « mécanisme électif »[12]. En d’autres termes : il suffit qu’il y ait des élections pour qu’il y ait démocratie. Rosanvallon peut alors dire du Second Empire qu’il est une manière de démocratie dans la mesure où il recourt fréquemment au plébiscite, on peut qualifier de la sorte la Russie de Poutine dans laquelle des élections ont lieu, tout comme, finalement, n’importe quel régime, aussi dictatorial soit-il, pourvu qu’il y ait élection, même frelatée, même purement fictive. Finalement, cela revient à faire de la démocratie un régime intégralement formel et procédural : seule compte la forme élective. Renversement complet de perspective dans la mesure où c’est la procédure qui définit la démocratie alors que cela devrait être l’inverse. Ce qui est exactement, j’ai assez écrit là-dessus, la conception libérale de la démocratie[13]. « Paradoxalement, les partisans de l’illibéralisme défendent donc une conception ‶libérale″ de la démocratie, car cette dernière est réduite à une forme procédurale minimaliste. »[14]
On voit bien à quel point tout cela est inconsistant. Dès qu’on s’intéresse ne serait-ce que de très loin à la démocratie, il apparaît clair que la « démocratie illibérale » n’a en fait rien à voir avec la démocratie, non pas à cause de son illibéralisme, mais par la conception même de la démocratie que ses contempteurs ou ses défenseurs promeuvent. Les uns comme les autres véhiculent une idée tellement rabougrie de la démocratie – le vote et rien que le vote, pour peu qu’il s’agisse d’un suffrage assez large – qu’elle n’a plus rien à voir avec la démocratie véritable. Pour prendre une comparaison, c’est un peu comme si je définissais la limonade exclusivement par le fait que c’est une boisson gazeuse. Beaucoup d’autres breuvages pétillants peuvent alors être appelés « limonade », tout comme beaucoup de régimes non démocratiques, du moment qu’ils intègrent des procédures de vote, sont considérés comme des démocratie. C’est, on s’en aperçoit, une escroquerie intellectuelle totale.
A la base de cette escroquerie se trouve l’oubli, la négation voire le déni de ce qui, pourtant, est évident dès qu’on prononce le mot même de démocratie, à savoir le pouvoir. Un truisme : demos + kratos désigne le pouvoir du peuple. Or, aujourd’hui, tous ceux qui parlent médiatiquement de démocratie, quel que soit leur camp idéologique, la définissent par rapport au vote et à l’égalité (purement formelle là aussi)[15]. Malheureusement, cette réduction mortifère s’est infiltrée à peu près partout, comme une flatulence dans une pièce close. Des penseurs comme Rosanvallon ou, on l’a vu, Alain Caillé, ont rallié cette définition mutilée de la démocratie – qui n’en est pas une, redisons-le. Dès lors qu’on en revient à ce qui est l’enjeu de la démocratie, c’est-à-dire le pouvoir, toutes les fausses approches tombent comme des mouches. Qui exerce le pouvoir ? De quelle manière ? Les questions d’égalité et de vote, pour importantes qu’elles soient, ne sont jamais que secondaires. L’égalité n’est pas une fin en soi, elle est au service, en démocratie, du juste partage du pouvoir entre les citoyens. Le vote n’est pas non plus une fin en soi, il n’est qu’un instrument de prise de pouvoir, qui n’est pas démocratique par lui-même. Or, à ce compte-là, mon propos est fort simple : ni les dites démocraties libérales, ni les dites démocraties illibérales ne sont des démocraties. Pour la bonne raison que nulle part le peuple des citoyens n’exerce le pouvoir – y compris par l’entremise de ses « représentants »[16].
L’oubli de la question de l’exercice du pouvoir s’est fait au prix d’une substitution, en grande partie du fait de la montée de la pensée libérale – donc des Lumières. La question formelle, c’est-à-dire celle des institutions, a pris le dessus. Désormais, on ne se demande pas ce qu’est le pouvoir, ni ce qu’est le peuple, on ne cherche plus à revenir aux fondamentaux de la démocratie. Les seules questions qui importent sont d’ordres juridique, institutionnel, constitutionnel. Quelles doivent être les institutions ? Comment doit-on procéder à la séparation des pouvoirs ? Comment garantir l’Etat de droit ? Toutes ces interrogations, qui sont en réalité secondaires, ont complètement occulté la démocratie elle-même. Tout se passe comme si le pâtissier se demandait quels ingrédients choisir et dans quelles proportions sans savoir quel gâteau il allait confectionner. Nous en sommes là.
La première raison, donc, qui fait que l’expression de « démocratie illibérale » est nulle et non avenue, vient de ce que les régimes qualifiés tels ne sont pas des démocraties, et que les régimes qui les dénoncent (réputées être, par jeu de miroir, des « démocraties libérales »), ne le sont pas non plus. Ainsi, la seule référence à prendre en compte là-dedans, c’est le libéralisme. Vient alors la seconde raison : aucune démocratie véritable n’est possible là où le libéralisme triomphe. En d’autres termes, la démocratie est toujours illibérale ou au moins alibérale. Mais dans un sens très différent de celui qui est pris dans l’usage dominant qui en est fait[17].
Tout d’abord, historiquement, on nous dit que le libéralisme a été la cause glorieuse de la montée de la démocratie. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Cause ou conséquence, on pourrait en débattre des heures : est-ce la diffusion des idées libérales qui fut à la source de l’aspiration démocratique européenne ou, au contraire, l’élan émancipateur (on songe bien sûr à 1789) qui fit place nette au libéralisme en renversant les sociétés féodales ? Plus profondément, le libéralisme n’a jamais véhiculé l’idéal d’une démocratie entendue comme exercice du pouvoir par le peuple des citoyens. Il a toujours, au contraire, défendu l’idée selon laquelle le peuple était capricieux, irréfléchi, déraisonnable, pulsionnel, vengeur… et qu’il fallait donc limiter autant que possible sa capacité d’exercice du pouvoir. Raison pour laquelle le libéralisme promeut strictement la dite démocratie « représentative ». Le peuple est bon et sage tant qu’il se donne des maîtres qui gouvernent pour lui. Je vous renvoie ici, entre mille autres exemples, à Benjamin Constant qui en appelle au « triomphe de l’individualité […] sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité »[18]. Cette défiance extrême vis-à-vis du peuple envisagé systématiquement comme masse, ou comme populace, vient de l’origine même du libéralisme, dont on peut retracer la généalogie à partir des guerres de Religion au XVIème siècle. A partir de là, « l’Homme était devenu suspect »[19], la sauvagerie de la guerre civile, la cruauté absolue marque le début d’une méfiance à l’égard de la capacité humaine à viser l’harmonie et la concorde. « On ne pouvait plus lui faire confiance pour administrer la cité, il fallait inventer un autre moyen de s’en charger, un moyen neutre, aveugle et efficace : le Marché s’imposera comme moyen d’administration harmonieuse des sociétés humaines. »[20] Le pouvoir devait être transféré à cette instance réputée neutre qu’est le Marché – d’ailleurs, le parlementarisme libéral peut être interprété comme une sorte de « marché » politique. Ce qui explique pourquoi, des Lumières à aujourd’hui, comme on l’a vu, la question du pouvoir a disparu du « logiciel » libéral. Le mot « pouvoir » est devenu un gros mot, presque une insulte. Ainsi, le kratos de la démocratie est complètement anachronique en régime libéral, vestige de temps anciens et barbares dont tout l’effort, en particulier des Lumières[21], fut de s’éloigner le plus possible.
Le libéralisme, j’en ai longuement parlé dans Ce que le marché fait au monde, nie l’existence des sociétés, pour lui il n’y a que des individus. Il récuse les liens d’« interdépendance réciproque », pour employer le vocabulaire du don maussien, qui unissent les hommes. Surtout, il ne comprend pas que la liberté individuelle, qu’il sacralise par-dessus tout, et à laquelle l’illibéralisme s’attaque, est logiquement secondaire par rapport à la liberté collective[22]. En d’autres termes, il n’y a d’individus que parce que lesdits individus forment société. Le libéralisme fait l’apologie non pas de la liberté, mais d’une certaine liberté, individuelle et adossée au Marché, que j’appelle la « liberté libérale »[23] qui est en fait une liberté amputée : « liberté de marché, liberté du vendeur et de l’acheteur, libre expression du droit de propriété, liberté de discussion, éventuellement liberté d’expression etc. »[24] Le libéralisme défend la liberté tant qu’elle est nécessaire au bon fonctionnement du marché. C’est-à-dire, la liberté du capitaliste, du commerçant, du consommateur, du travailleur[25], du propriétaire. La liberté politique du citoyen (nécessairement collective) ne lui est d’aucune utilité : elle doit être corsetée. En s’attaquant à toute forme de liberté collective, à commencer par le droit du travail, nos dirigeants (néo)libéraux s’attaquent indirectement tout d’abord, avant de les combattre frontalement, aux libertés individuelles réelles. On peut avoir une liberté individuelle théoriquement maximale mais si, concrètement, il n’existe aucune structure collective pour les exercer, on se retrouve dans les faits dans la pire des situations, féodale ou totalitaire.
La démocratie ainsi vidée de tout contenu effectif apparaît alors, aux yeux de Tocqueville comme à ceux des « petits tocquevilliens », comme mouvement vers l’égalitarisme individualiste. Or, c’est un effet non pas de la démocratie, mais du libéralisme lui-même. C’est le libéralisme qui a besoin d’atomiser les individus pour en faire des monades autocentrées, uniquement préoccupées par leurs désirs de consommation.
De sorte que la « démocratie » libérale – non démocratique, il faut systématiquement le rappeler – finit par se retourner contre elle-même. Après avoir accompagné l’émancipation des individus et la multiplication des droits individuels par rapport aux sociétés d’ancien régime et par rapport à tous les régimes féodaux, y compris actuels, le libéralisme, en particulier depuis sa mutation en néolibéralisme, dans la mesure où sa seule préoccupation est le Marché, se retourne contre les libertés individuelles. C’est la période exacte que nous sommes en train de vivre, qui voit l’essor du « capitalisme de surveillance » selon l’expression de Shoshana Zuboff, du recul du droit du travail et d’un certain nombre de droits sociaux, la multiplication de lois sécuritaires, les entorses répétées à l’Etat de droit, etc. Il faut ici préciser un point qu’a soulevé l’épisode d’autoritarisme débridé de la réforme des retraites. Là où Fareed Zakaria insistait sur la nécessité d’un libéralisme constitutionnel, seul à même de garantir les droits fondamentaux, on a vu au contraire les outils constitutionnels être détournés de l’esprit de la Constitution de la Vème République afin de museler l’opposition politique et d’étouffer toute forme de contre-pouvoir, en particulier parlementaire. Article 47-1, article 49-3, maintenant, article 40… une utilisation littérale de la Constitution[26] est faite pour en démolir complètement l’esprit. Ce qui démontre qu’en fait le libéralisme constitutionnel, à l’inverse de la thèse de Zakaria, ne protège en rien de l’autoritarisme et peut même en devenir le ferment. Cela s’explique facilement par ce que nous disions plus haut : en réalité, le libéralisme n’entretien aucun rapport avec la démocratie – autre que celui du parasitisme. La conclusion qui s’impose est limpide : pour exister, la démocratie doit être illibérale ou alibérale. Nous de construirons de démocratie – au sens plein du pouvoir exercé par le peuple des citoyens – que lorsque nous nous serons émancipés de la fausse croyance d’un libéralisme garantissant les libertés individuelles.
La démocratie illibérale apparaît en fin de compte comme un concept inutile et dangereux. En dénonçant des régimes comme illibéraux, on entretient par effet de contraste l’illusion que nous serions en démocratie, ce qui est faux[27]. Eclaircissons un point avant de conclure : je ne défends en rien lesdits régimes illibéraux, tout au contraire. J’affirme néanmoins que braquer le projecteur sur des régimes encore moins démocratiques que le nôtre ne fait pas surgir la démocratie chez nous comme un diable de sa boîte. Il n’y a pas de democratia ex machina. Il faut abandonner cette idée creuse, cette roue de secours conceptuelle aux neuneus de la politique, qui sont légion – la capacité d’abrutissement intellectuel étant proportionnelle à celle permettant d’obtenir une charge ministérielle ou un poste d’éditorialiste. Enfin, je conclurai en disant que la « démocratie libérale » est un oxymore et qu’il faut choisir son camp : la démocratie qui donne le pouvoir au peuple des citoyens ou le (néo)libéralisme qui enchaîne, asservit et tient sous contrôle des meutes de consommateurs. A bon entendeur.
[1] https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/26/emmanuel-macron-appelle-a-contrer-la-montee-de-l-illiberalisme-en-europe_6085824_3210.html
[2] https://www.lepoint.fr/politique/voeux-a-la-presse-tentation-illiberales-qu-a-voulu-dire-macron-04-01-2018-2184030_20.php
[3] VERDO Geneviève, « Pierre Rosanvallon, archéologue de la démocratie », Revue historique, 2002/3 (n°623), p. 693-720.
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] ROSANVALLON Pierre, Fondements et problèmes de l’illibéralisme français, intervention à l’Académie des sciences morales et politiques, séance du lundi 15 janvier 2015.
[8] ZAKARIA Fareed, « De la démocratie illibérale », Le débat, 1998/2, pp. 17-26.
[9] Ibid.
[10] CAILLE Alain, Extrême droite et autoritarisme partout, pourquoi ? La démocratie au risque de ses contradictions, Le Bord de l’eau, 2023, p 39.
[11] Ibid., p. 42.
[12] DEMIAS-MORISSET Raphaël, « La démocratie illibérale : un concept incohérent ? », The conversation, 11 janvier 2023.
[13] MERCIER Geoffrey, Ce que le marché fait au monde, L’Harmattan, 2020 ; ou encore l’article « Leur violence et la nôtre » publié ici-même, entre autres articles.
[14] Ibid.
[15] J’ai parlé, dans Ce que le marché fait au monde, des « petits toquevilliens » pour désigner les intellectuels (Raphaël Enthoven, Alain Finkielkraut, Eric Zemmour, Pascal Bruckner, Pierre-Henri Tavoillot, Gérald Bronner en un sens..) qui réduisent la démocratie à l’égalitarisme, mais en se concentrant exclusivement sur une égalité de façade, l’égalité des conditions, pratique pour cracher à longueur de journée sur le wokisme, mais en écartant délibérément l’égalité sociale et économique donc politique – en vérité, la seule égalité qui vaille vraiment, car d’elle tout le reste découle en démocratie. Tous ces gens défendent en fait l’aristocratie sur le plan théorique – c’est-à-dire, en pratique, l’oligarchie (néo)libérale.
[16] A quel moment peut-on considérer qu’une réforme rejetée par la majorité des citoyens est démocratique ?
[17] Nous venons justement de dire que cet « illibéralisme » n’était en rien démocratique.
[18] CONSTANT Benjamin, Mélanges de littérature et de politique, 1829, cité in MERCIER Geoffrey, Ce que le marché fait au monde, op. cit. p. 72.
[19] MERCIER Geoffrey, op. cit., p.26.
[20] Ibid.
[21] Mettons Rousseau à part, sorte d’objet philosophique non identifié, en tous cas au plan politique, par rapport à ses collègues des Lumières.
[22] Plus précisément, il existe un processus unique, qu’après Simondon et Stiegler père, je nomme « transindividuation », et qui permet la triple individuation psychique, collective et technique. Ainsi, individus et société sont tous deux logiquement secondaires par rapport à ce processus unique et continu, qui fait qu’un individu ne peut s’individuer en dehors d’une société et d’un ensemble de techniques, tout comme la société n’est un individu collectif que parce qu’il y a des individus psychiques et techniques etc.
[23] Ibid.
[24] FOUCAULT Michel, Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France. 1978-1979, Hautes études, 2004.
[25] Je précise que la liberté du travailleur défendue par le libéralisme se borne à la liberté d’effectuer les tâches prescrites, et éventuellement de reconstituer sa force de travail, et rien de plus. C’est une liberté purement individuelle, là où l’emploi, activité sociale par excellence, ne se comprend qu’à l’échelle collective – celle qui est méthodiquement détruite, notamment par les ordonnances Macron, faisant suite à la loi El Khomri.
[26] On pourra me rétorquer que ces instruments constitutionnels ne ressortissent précisément pas du libéralisme. On peut en discuter, certes. Mais dans ce cas, on sera obligé de conclure que la France n’est pas une démocratie libérale – ce qui n’est pas vraiment l’intention de ceux qui pourraient m’adresser ce reproche, j’en suis sûr…
[27] Illusion entretenue par tous ceux qui se croient malins en qualifiant Macron d’illibéral. Indirectement, ils acquiescent à cette idée que, bien qu’en démocratie illibérale, nous sommes en démocratie. Je ne vois pas comment on pourra bâtir une vraie démocratie si l’on accepte d’outrager ainsi le terme. Si tout et n’importe quoi peut être appelé démocratie, comment pourrions-nous construire une démocratie digne de ce nom ? Pourquoi faudrait-il construire une démocratie si nous y sommes déjà ?
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