Sortir de l’UE : mode d’emploi


MODE D’EMPLOI :

SORTIR DE L’UNION EUROPÉENNE


L’Union Européenne tue l’Europe. Et la France dans l’Europe. Pour recouvrer sa place en Europe, la France devra à son tour tuer l’Union Européenne. Dans cet article, je n’essaierai pas de vous convaincre de la nocivité de l’Union Européenne, ni de l’absurdité de l’Euro. Je ne vais pas ferrailler inutilement avec les béats pro-UE qui en acceptent les dogmes comme de parfaits bigots décérébrés. Je ne propose pas de démontrer en quoi l’Union Européenne est structurellement un outil de destruction des peuples, de leur souveraineté et donc de la démocratie ; ni en quoi elle est bâtie sur le credo ordo-libéral ; ni en quoi elle rend impossible tout projet émancipateur en France ; ni en quoi elle nous conduit à la ruine et à l’anéantissement. Toutes ces analyses existent, elles furent menées par des esprits plus brillants et étayées par des experts plus compétents que moi (voir : annexes). La question qui m’occupe ici est de savoir comment mettre à terre l’UE, selon quelles modalités et quelles stratégies.

En 2019, en France, personne n’est satisfait de l’Union Européenne. Jusqu’aux marcheurs, les « eurobéats » comme on les appelle, tout le monde admet que quelque chose ne tourne pas rond. En témoignèrent tous les programmes aux élections européennes de 2019 : pas un qui ne proposât de refonder l’Europe, de modifier les traités, de réorienter l’UE… Deux types de solutions radicalement opposées s’affrontent : pour les uns, il faut plus d’Europe, pour les autres, moins d’Europe, et au milieu de tout ça, on propose une autre Europe. Première remarque : l’Union Européenne n’est pas l’Europe, il est impératif d’abandonner cette confusion entretenue par les partisans de l’Union Européenne pour qui il n’existe pas véritablement d’Europe en dehors de l’UE – bien que certains pays européens n’adhèrent pas au Moloch vorace. On remarque, comme le montrent les analyses de l’économiste David Cayla, que l’Union Européenne, via l’Euro, a en fait séparé les pays européens en faisant diverger leurs économies et leurs intérêts. Autrement dit : l’UE est en train de déchiqueter l’Europe.

  • « Plus d’UE » : aggraver le mal par le mal. Une fois toutes les structures nationales dissoutes, une fois toutes les parcelles de souveraineté populaire digérées et excrétées, une fois le chaos et la désolation installés partout, le règne du démon Bruxellois sera instauré sur les ruines des royaumes déchus. Le glas de la démocratie sonnera sur les landes desséchées, le linceul des peuples assassinés recouvrira le ciel. Sombre perspective.
  • Une « autre UE » : méconnaissance totale de ce qu’est l’Union Européenne. L’UE est structurellement néolibérale, c’est dans son ADN (les traités) et dans sa généalogie (la « construction européenne »). Changer l’UE supposerait d’y ordonner collectivement une réorientation politique, or, l’UE est justement construite pour dépasser et rendre caduc le politique.
  • « Moins d’UE », voire, plus d’UE du tout. Examinons brièvement deux ou trois projets existants.

Haro sur l’Union Européenne

Première proposition
Frexit !! Hurlent les affidés de l’Union Populaire Républicaine (UPR) – dont il faut préciser qu’ils traitent avec une égale animosité les partisans de l’UE et d’authentiques critiques de l’UE qui ont le tort de ne pas penser comme eux au mot près : définition du dogmatisme. French Exit : sortir de l’UE comme les anglais, à l’aide du fameux « article 50 » du Traité sur l’Union Européenne relatif à la sortie d’un Etat de l’UE (voir : annexes). En somme, procéder à la manière des britanniques – on voit dans quelles marasme politique ils sont aujourd’hui plongés. Cela enclencherait un « retrait volontaire et unilatéral » de l’Union Européenne : la France déclencherait l’article 50, puis négocierait sa sortie la plus rapide possible de l’Union Européenne. Ces négociations porteraient sur des modalités comme : l’accès au marché unique une fois le retrait effectif, la circulation des personnes et des marchandises, d’éventuels accords commerciaux etc.

Enfin, ça, c’est pour la théorie. C’est négliger que si la France déclenchait l’article 50, l’UE volerait aussitôt en éclat. Autrement dit : une sortie de la France de l’UE détruirait cette dernière. Elle ne peut fonctionner sans la France, deuxième économie de la zone, en partie pour des raisons budgétaires : la France contribue pour plus de 20 milliards d’euros par an au budget de l’UE, soit une contribution nette (aides déduites, dont les 9 milliards de PAC) de plus de 10 milliards d’euros. Ainsi, comme le fait à juste titre remarquer l’essayiste Coralie Delaume, en sortant unilatéralement de l’UE, la France déclencherait un cataclysme qui toucherait très fortement les autres pays, qui, eux, n’ont rien demandé. Première limite : une limite morale. Ensuite, en provoquant la disparition de l’UE dans son ensemble, la France s’exposerait à des conséquences difficilement prévisibles. Si le Brexit est si indolore, voire bénéfique, pour les britanniques, c’est qu’ils n’étaient que partiellement intégrés à l’UE, leur retrait n’a pas véritablement fragilisé l’édifice de l’UE ni le leur. Dans le cas de la France il en irait naturellement de manière très différente, par exemple parce que nous sommes dans la zone euro. Deuxième limite : un risque réel et difficilement prévisible.

Deuxième proposition
Le malheureux Mélenchon avait, lors de la campagne pour les présidentielles de 2017, émis une proposition intéressante, résumée par la formule du « plan A/plan B ». C’est-à-dire introduire un vrai rapport de force avec l’Union Européenne, préalable nécessaire à toute négociation. Négociation qui, dans le cadre du projet de la France Insoumise, aurait porté sur un assouplissement des traités, des gains de souveraineté, l’abandon d’un certain nombre de contraintes budgétaires imposées par l’UE, la mise de l’écologie au centre de la vie politique etc. Or, jusqu’à présent, aucun président français n’est entré dans un rapport de force avec l’UE, ils se sont tous couchés comme de bons caniches à ses pieds et à ceux de Mme Merkel. Macron n’est qu’un caniche de plus. Pourquoi l’UE accéderait-elle aux demandes des français quand elle sait que les dirigeants français feront exactement ce qu’elle leur ordonne, même en cas de refus de sa part ? Si l’on veut négocier avec quelqu’un, il faut pouvoir soit lui démontrer que la négociation lui apporterait quelque chose et satisferait ses intérêts propres (autrement dit : que chacun aurait quelque chose à gagner), soit être en mesure de menacer ces mêmes intérêts en faisant preuve de force. Dans le cas de la négociation avec l’UE, la France n’est pas là pour proposer un plan dans lequel chacun aurait à y gagner, puisqu’il s’agit de rééquilibrer les choses en sa faveur. La France devrait pouvoir négocier un regain de souveraineté et donc un affaiblissement de l’UE. Il ne lui reste donc qu’une seule marge de manœuvre dans la négociation : la menace. Or, les dirigeants français, ces caniches, ne font peur à personne car ils ne menacent jamais et acceptent tous les refus en baissant la tête et repartent la queue entre les jambes. De braves toutous vous dis-je ! L’idée des insoumis était donc d’introduire un rapport de force : on renégocie les traités (plan A) sinon, on quitte l’Europe (plan B). C’est-à-dire : on renégocie, sinon, on fait tout péter. A ce petit jeu-là, l’UE n’aurait jamais pu sortir gagnante, elle aurait été forcée de renégocier, sauf à se suicider dans d’atroces convulsions de douleur. Malheureusement, vous savez que cette idée de « plan A/plan B » a fait long feu chez les insoumis, qui ont l’abandonnée au prix de moult contorsions rhétoriques et de moult mensonges plus pitoyables les uns que les autres. Ce qui signifie qu’ils ont à jamais perdu toute crédibilité sur ce sujet, même s’ils venaient à ressortir cette idée à l’occasion de basses manœuvres électoralistes. En effet, dans un rapport de force, surtout de cette importance, lorsque l’adversaire flanche une fois, c’est qu’il flanchera toujours : ses menaces ressemblent dès lors à des caprices d’enfant borné.

Deuxième proposition bis
Après l’abandon du rapport de force induit par un plan B consistant à sortir de l’UE, la FI a proposé une nouvelle formule : soit on renégocie (plan A), soit on applique notre programme sans se soucier des traités européens (plan B). Idée assez saugrenue car le plan B remanié prévoit de stopper la contribution de la France à l’UE, d’« envisager un système monétaire alternatif » (mais surtout ne pas parler de sortie de l’Euro !), de rétablir les contrôles de capitaux donc de remettre en cause le marché unique… Bref : une sortie de l’UE qui ne dit pas son nom. Un plan volontairement flou, vague, qui sent l’entourloupe à plein nez.

Comment sortir de l’UE ?

Si le Frexit souffre d’au moins deux limites non négligeables (pour moi rédhibitoires) et que le plan des insoumis est tombé à l’eau pour toujours, que faire ?

Mon plan est très simple. Qu’un candidat aux présidentielles annonce dès le début la couleur, de la manière la plus claire et la plus dépouillée qui soit : « au terme de mon mandat, la France sortira de l’UE, d’une manière ou d’une autre. » Ce que l’on reformule encore plus directement : « au terme de mon mandat, l’UE aura disparu, d’une manière ou d’une autre ». De cette façon, la France oblige tous les pays membres ainsi que l’Union Européenne à négocier un démantèlement concerté et programmé de l’UE sous peine d’une explosion qui ébranlerait le monde entier, en particulier son épicentre : l’Europe. Ce délai doit être raisonnablement long, mais suffisamment court et ne pas excéder un mandat, afin de ne pas laisser l’opportunité à un autre gouvernement de mettre un terme au processus. On contourne à mon avis les écueils cités plus haut.

  • Tout d’abord, il n’y a même plus de rapport de force à établir, car on ne négocie pas un amendement des traités, ni une moralisation de l’UE, ni des réformes plus démocratiques ou que sais-je. On pose la disparition de l’UE comme non pas probable, mais certaine. « La disparition de l’UE aura lieu, si vous voulez éviter de tout perdre, mettez-vous autour de la table pour que le démantèlement se fasse dans le calme et la concertation ».
  • Ensuite, on ne met pas les autres pays membres devant le fait accompli. En effet, on leur laisse cinq ans (ou le temps d’un mandat présidentiel) au maximum pour démanteler le Léviathan européen. Chacun est prévenu et peut s’y préparer, remettre en place éventuellement ses frontières, sa monnaie, recouvrer sa souveraineté.
  • Enfin, on diminue les risques encourus par une désintégration brutale de l’UE. Cela ne signifie pas qu’un tel processus se solderait par un bonheur complet ni une prospérité miraculeuse, mais au moins, que les désagréments auront été autant que faire se peut prévus, anticipés et au maximum déjoués. Les Etats, durant ce délai, pourront négocier des accords bilatéraux entre eux, retisser des liens de solidarité d’Etat à Etat plutôt que de se faire la guerre économique au sein de l’UE comme c’est le cas actuellement.

Le candidat qui porterait un tel programme devrait donc l’annoncer dès le début de la campagne, en prévenant explicitement ses concitoyens que sur ce point très précis, son élection vaudra approbation. Autrement dit, qu’il n’y aura pas besoin d’un référendum – car l’élection sera, en quelque sorte, le référendum. « Si vous votez pour moi, vous acceptez la disparition de l’UE au terme de mon mandat. » Tout le reste du programme pourra et devra obéir au jeu de la vie parlementaire, des discussions, des débats, des amendements etc. Car élection ne vaut pas blanc-seing. En revanche, la fin de l’UE serait une exception présentée comme telle. Les choses doivent être annoncées sans aucune ambiguïté pour les citoyens. On ne peut se permettre de perdre du temps à tergiverser en organisant un référendum, une campagne référendaire, etc. Le processus devra être enclenché dès l’élection auprès des autres pays membres de l’UE. Seule la perspective de l’imminence d’une catastrophe probable pourra décider tout le monde à se mettre autour de la table.

Petite précision : un tel plan, puisqu’il avance à découvert, s’expose à un torrent médiatique d’insultes et de calomnies, à un tir de barrage de mensonges et un contre-feu nourri venu de toutes parts. Tous nos adversaires – jadis adversaires entre eux – se coaliseront pour détruire un tel plan. Mais, en même temps, on ne peut avancer masqué, l’objectif étant de s’appuyer sur une légitimité démocratique ferme et explicite. De plus, comme le dit fort à propos un ami « il n’est pas impossible que le dire aussi clairement soit la meilleure manière de se rendre imperméable aux critiques et au déferlement de haine des médias libéraux ». Il s’agit en effet de fédérer tout un camp autour de ce projet, de cette manière, on se rend effectivement « imperméable ».

A moins de cela, je ne vois pas bien, pour ma part, comment on pourrait s’en sortir collectivement par le haut. Sacrifier les autres peuples européens n’est pas une perspective véritablement désirable, voilà pourquoi on ne peut se contenter d’un Frexit. Mais, en même temps, l’Union Européenne ne peut perdurer, elle doit être rayée de la surface du globe. Ce plan d’attaque pour sortir de l’UE me semble présenter un certain nombre d’avantages que je soumets à votre sagacité.

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Annexes

Article 50 du Traité sur l’Union Européenne (TUE) :
« 1.Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.
2.L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.
3.Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai.
4.Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l’État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent.
La majorité qualifiée se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
5.Si l’État qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l’article 49. »

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Quelques vidéos instructives sur l’Europe, l’Euro, le désastre démocratique et économiques qu’ils représentent :

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