L’article 13 : La fin d’Internet ?


L’article 13 : La fin d’Internet ?


Non, rassurez-vous, l’heure de la fin d’internet n’a pas encore sonnée, c’est (comme toujours) plus compliqué que ça.

Qu’est-ce que l’article 13 (de la directive européenne relative au droit d’auteur) ?

Déjà, pour celles et ceux qui ne sont pas familiers avec les discussions du parlement européen, ou qui n’utilisent pas intensivement l’ordinateur et internet, il est nécessaire de faire un court résumé de ce qu’il y a dans cet article, et de ce qu’il change.

Jusqu’à présent, lorsque vous postiez un contenu, quel qu’il soit, vidéo, audio, image, … sur un site internet (l’hébergeur), le site n’était pas tenu pour responsable de ce que vous y mettiez. Si vous postiez une vidéo protégée (par exemple un film, ou une musique dont vous ne détenez pas les droits) sur n’importe quel site, l’ayant-droit pouvait se retourner contre vous pour avoir posté sa vidéo sans son accord, mais pas contre le site internet. Ce site, l’hébergeur du contenu ou plateforme, n’est pas tenu de faire le ménage chez lui.

Par conséquent, l’internet est très libre, et beaucoup de gens postent ou téléchargent du contenu dont ils ne possèdent pas les droits. Et les ayant droits ont beaucoup de difficultés à les empêcher, car ils sont beaucoup trop nombreux.

C’est le problème que l’article 13 de la directive européenne relative au droit d’auteur adoptée par le Parlement Européen ce mardi 26 mars veut résoudre. La principale révolution, c’est que l’hébergeur devient responsable du contenu posté sur son site. Ainsi, les plateformes devront conclure des accords avec les ayants-droits (auteurs, SACEM, les grandes boites de production, …). En l’absence d’accord, les ayants-droits pourront se retourner contre les plateformes directement. L’objectif est de permettre la juste rémunération des auteurs et de protéger les petits comme les grands.

 

Cela n’est pas sans poser d’autres problèmes.

En effet, il y a une différence entre une utilisation illégale d’une œuvre protégée (mettre une musique de Queen dans son film de vacances et poster ce film sur YouTube par exemple), et une utilisation qui ne viole pas les droits d’auteurs (une utilisation parodique, éducative, critique, à but non lucratif,…) d’une œuvre, qui est autorisée. C’est ce que les américains appelle le fair use ou usage loyal en français. Vous pouvez utiliser toute ou partie d’une œuvre, quelle qu’elle soit, si vous restez raisonnable. (Cette notion souffre malheureusement d’une incertitude juridique). Mais comment faire la différence ?

La solution la plus évidente pour les plateformes consiste à créer des IA, des Intelligences Artificielles (comme il en existe déjà aujourd’hui) qui repéreraient les utilisations d’œuvres protégées, et empêcherait la publication des contenus problématiques. Mais comment l’IA pourrait-elle faire la différence entre une utilisation illégale et une utilisation parodique ?

L’IA ne pourra pas le faire. Toutes les utilisations de ce genre d’outils de modération ont déjà montré leurs limites ces dernières années, et il y a fort à parier que ce genre de technologie ne voit pas le jour avant un bon moment. L’IA ne sait pas encore détecter les nuances des utilisations légales ou non des œuvres. Donc, il y a un risque réel que la modération devienne assez extrême.

Une autre solution (jamais évoquée par les plateformes), serait de marquer les contenus à l’aide de l’IA, et les contrôler manuellement. Cela aurait le mérite de faire la différence (puisque des esprits humains capables de faire la différence se chargeraient de la modération), mais cela coûterait beaucoup d’argent aux plateformes (sans conteste la raison pour laquelle ils ne parlent jamais de cette solution).

 

Tout va-t-il vraiment changer ?

Pas vraiment, en tout cas pas dans tous les cas. En effet,  il faut savoir que certaines plateformes (comme YouTube) ont déjà conclu des contrats avec les ayants-droits depuis de nombreuses années. En vérité, YouTube applique déjà une version très dure de l’article 13.

Pour donner un exemple simple, lorsqu’un YouTubeur met une vidéo de 10 minutes en ligne, il devrait pouvoir tirer des revenus issus des publicités qui sont diffusés avant et pendant la vidéo. Mais s’il y met un extrait de 3 secondes d’une musique de Madonna, le robot de YouTube, ContentID, va repérer ces 3 secondes, et YouTube versera l’intégralité des revenus de la vidéo à la maison de disque de Madonna. Et le créateur de la vidéo ne touchera rien sur cette vidéo.

Concernant YouTube, il se peut même que l’article 13 les force à se calmer et à utiliser des solutions moins agressives qu’aujourd’hui, et donc à mieux rémunérer les petits YouTubeurs. Car aujourd’hui, YouTube fonctionne d’abord et avant tout pour les gros ayants-droits.

 

Les forces en présence

Autour de la bataille de l’article 13 se sont opposées deux forces. D’un côté, les ayants droits, qui défendaient farouchement l’article. Et de l’autre, une alliance jamais vue à ce jour, entre les grandes boites du net (Google, Facebook, …) et les associations de défense de l’internet libre.

Mais là où les associations se battent pour défendre la liberté d’utiliser internet comme chacun le souhaite, ayant peur des conséquences d’une modération trop agressive, les grandes boites du net défendent leurs (gigantesques) porte-monnaie. Car il ne fait aucun doute qu’elles n’ont pas envie de dépenser des sommes folles pour un problème qu’elles n’ont jamais vraiment cherché à résoudre proprement.

 

En conclusion

Cette directive n’est pas toute blanche ou toute noire, c’est plus un gris sombre qui vient remplacer un autre gris sombre, qui était la législation précédente, et qui était plus libre mais où le droit d’auteur était moins respecté. Par ailleurs, il est nécessaire de se rendre compte que cette directive doit encore être transcrite en droit interne, ce qui peut prendre jusqu’à deux ans, et que les modalités d’application de cette directive ne sont pas claires non plus. En vérité, tout dépendra de la façon dont les plateformes vont se saisir du problème.

Tout cela sera donc difficile à mettre en place, mais aura un effet sur l’intégralité d’internet, comme le Régime Général de Protection des Données (RGPD ou GDPR en anglais) avait eu un effet dans le monde entier, alors que c’est une législation européenne.

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