Addendum à la recension de Scènes de la vie intellectuelle en France d’André Perrin.

Je profite de cet article pour revenir à travers une courte note sur deux arguments utilisés dans les débats actuels. Ils ne sont pas analysés dans le livre d’André Perrin, mais ils entrent dans la thématique du livre, et donc par souci de cohérence, je souhaite les examiner à la suite.

1 – La droitisation de la société :

ll faut faire un sort définitif à cette idée répandue très largement dans tous les médias. Non, la société ne se « droitise » pas, en tous cas pas massivement comme on essaie de le faire croire. Je rappelle que le programme du RPR et de l’UDI de 1990, c’est-à-dire de la droite et du centre, prévoyait de fermer les frontières, d’appliquer la préférence nationale à certaines prestations sociales ; de même le Parti Communiste, avant le Programme Commun de 1981, voyait dans l’immigration une ruse du patronat pour peser à la baisse sur les salaires. En son temps, le Front National de Jean-Marie Le Pen, ultra-libéral au-delà de l’imaginable, proposait la pure et simple suppression des prestations sociales, laissant chaque citoyen souscrire à des assurances privées pour s’en sortir : rien moins que la guerre au plus faibles et leur mort programmée. Ce ne sont que quelques exemples pour remettre en perspective ce qu’il se passe aujourd’hui. En revanche, ce à quoi nous assistons de nos jours c’est le déplacement vers une certaine gauche de nos perceptions. En clair, nous percevons comme de droite, voire d’extrême droite, des propositions auparavant considérées centristes voire de gauche. Par exemple, tout discours souverainiste est automatiquement taxé de réactionnaire, d’extrême-droite, de rabougri etc. alors même que la gauche a une belle tradition souverainiste. Je revoie, pour ceux que ces histoires intéressent, au sort réservé à Natacha Polony (récent soutien du groupe bien connu d’extrême droite La France Insoumise…) et au comité Orwell.

2 – Constituer un ennemi commun.

Ceux qui font l’objet de ces condamnations médiatiques se plaignent souvent de l’unanimisme des grands médias dominants, du fait que certaines questions seraient « interdites », qu’on ne pourrait pas parler de certaines choses. On leur objecte alors immédiatement que leur discours est insensé car précisément, ils s’expriment à travers des médias qu’ils contestent, qu’ils ont une large tribune pour diffuser leurs idées et que non, ils ne font pas l’objet d’un quelconque ostracisme : « la preuve vous êtes là pour en parler ». Bien sûr, au premier degré cela est vrai, ils ne sont pas empêchés de parole. C’est bien plus subtil que ça. On leur donne donc la parole pour, immédiatement après dénoncer leurs propos, les discréditer, les dénoncer. Tout ce passe comme si les « bien-pensants » donnaient la parole à leurs opposants précisément pour pouvoir les détruire, et se ressouder eux-mêmes sur cette destruction. Un peu comme lors d’un dîner de con : le con peut parler, mais c’est pour mieux s’en moquer. Il s’agit de donner la parole à des gens dont on sait a priori qu’ils sont dans le camp du mal afin de montrer que soi-même on est dans le camp du bien. Ainsi, on soude un camp – celui du bien – à peu de frais en lui faisant peur, en lui montrant un monstre à combattre, monstre que l’on crée à cette seule fin. C’est la logique du bouc-émissaire de René Girard : on se crée une victime expiatoire que l’on détruit pour se rassembler autour de la menace fictive. Logique similaire à celle de La ferme des animaux de George Orwell : le cochon Boule de Neige, pourtant mort depuis des lustres, est tenu pour responsable de tous les maux qui accablent la ferme, un ennemi invisible en quelque sorte, ce qui permet aux animaux de s’unir derrière cette peur omniprésente et cette haine commune.

Voilà, j’espère ne pas avoir été trop long ni trop ennuyeux. Je remercie les plus patients de leur lecture et de leur indulgence.

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