Elections législatives 2017
Tous gagnants, tous perdants !
Voici les résultats complets des élections législatives 2017. Tout d’abord un rappel : les inscrits correspondent à 88 % des français en âge de voter. Tous les résultats qui vont suivre doivent donc être rapportés à celui-là.
- Abstention : 57,36 % des inscrits
- Votes blancs / nuls : 2,95 % / 1,25 % des inscrits
- Votes exprimés : 38,43 % des inscrits
- Renouvellement de l’Assemblée : 72 % des députés
L’Assemblée Nationale ne représente donc le vote que de 38,43 % des personnes inscrites soit 33,81 % des français en âge de voter !
Répartition des siège :
Nuances de candidats | Voix | % inscrits | % exprimés | Nombre de sièges |
---|---|---|---|---|
Parti communiste français | 217 833 | 0,46 | 1,20 | 10 |
La France insoumise | 883 786 | 1,87 | 4,86 | 17 |
Parti socialiste | 1 032 985 | 2,18 | 5,68 | 29 |
Parti radical de gauche | 64 860 | 0,14 | 0,36 | 3 |
Divers gauche | 263 619 | 0,56 | 1,45 | 12 |
Ecologiste | 23 197 | 0,05 | 0,13 | 1 |
Divers | 100 574 | 0,21 | 0,55 | 3 |
Régionaliste | 137 453 | 0,29 | 0,76 | 5 |
La République en marche | 7 826 432 | 16,55 | 43,06 | 308 |
Modem | 1 100 790 | 2,33 | 6,06 | 42 |
Union des Démocrates et Indépendants | 551 760 | 1,17 | 3,04 | 18 |
Les Républicains | 4 040 016 | 8,54 | 22,23 | 113 |
Divers droite | 306 240 | 0,65 | 1,68 | 6 |
Debout la France | 17 344 | 0,04 | 0,10 | 1 |
Front National | 1 590 858 | 3,36 | 8,75 | 8 |
Extrême droite | 19 030 | 0,04 | 0,10 | 1 |
Tout d’abord, il s’agit d’une victoire du mouvement lancé par le Président Emmanuel Macron. Il obtient en effet, à lui tout seul une majorité absolue de sièges. Ainsi, plus besoin du MoDem de François Bayrou pour gouverner. Cependant, le béarnais Garde des Sceaux est de ces hommes qu’il vaut mieux avoir avec soi que contre soi… Et ses 42 sièges aussi ! Allez savoir comment le vent va tourner…
308 députés La République en Marche, donc. Passons rapidement sur la falsification de “la société civile” présentée comme la dernière trouvaille à la mode pour faire croire que ces gens seraient tout nouveaux tout beaux en politique et qu’ils allaient “rafraîchir” l’Assemblée. Il ne me semblait pas élire des désodorisants, pourtant… Cette “société civile” comporte en fait une grande part de recyclage (écolo le Macron finalement… !) : des anciens encartés de l’UMP ou du PS, des anciens membres de cabinets du Ministre de ceci ou de cela, et j’en passe. Seuls 34 % des candidats étaient réellement neufs. Mais le plus inquiétante est la composition sociologique des futurs députés : des CSP + comme on dit (catégories socio-professionnelles supérieures) c’est-à-dire des cadres, des DRH, des hauts-fonctionnaires, des avocats, des gens aisés, des chefs d’entreprises, des donneurs d’ordre. Pas de paysan, pas d’ouvrier, pas de petit employé, pas de chômeur, pas de précaire, pas de rural… Retrouvez l’analyse détaillée des candidats LREM dans un article paru dans Le Monde.
N’en rajoutons pas non plus sur les “affaires” déjà sorties à propos de tel ou tel candidat en Marche… Vous pouvez en retrouver une partie en cliquant ici.
Non, c’est une victoire, dont acte. Le Président aura les mains libre pour mener sa politique. Mais ce n’est pas un pouvoir solide, et cela, l’élection présidentielle nous l’avait déjà montré. Gageons que le Président saura s’en rendre compte. Son projet de réforme par ordonnances ne saurait que rajouter encore plus à l’instabilité du pays, qui a besoin de débat serein, d’écoute…
On a beaucoup entendu qu’il y avait un risque de parti unique avec cette victoire écrasante de LREM. Mais ayons de la mémoire, en 2012, après l’élection de François Hollande (si, si, je vous jure qu’il a été Président…) le Parti Socialiste avait la majorité à l’Assemblée Nationale, au Sénat, et détenait un très grand nombre de mairies et de régions. Il faut donc raison garder !
D’autant que tous les sondages de ces dernières semaines donnaient plus de 400 députés à Macron ! Le matraquage n’aura pas suffit, les français ont été capables d’un tout petit peu de discernement… ! Les législatives n’ont pas donné lieu au raz-de-marée prévu, et c’est tant mieux.
- Macron gagnant mais perdant : il a la majorité absolue et tout seul, mais elle est fragile et inexpérimentée. Les députés d’En Marche lui resteront-ils fidèles ?
- Bayrou gagnant mais perdant : il obtient 42 députés (20 fois plus qu’en 2012) mais Macron peut gouverner sans lui, ce qui le marginalise.
- Les Républicains perdants : ils passent d’environ 220 députés à environ 130, et donc sauvent les meubles. Cependant, la crise qu’aura à affronter le parti sera majeure puisque nombre de députés ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils voteront avec En Marche, alors que d’autres y sont totalement opposés. Il y a clairement 2 lignes contradictoires dans le parti, et certains membres de LR songent déjà à former deux groupes distincts à l’Assemblée.
- Cambadélis perdant (et ça fait plaisir… !) : défaite personnelle au premier tour, mais défait du Parti Socialiste qui a 10 fois moins d’élus qu’en 2012 ! Avec une crise également au sein du parti entre ceux qui veulent s’allier avec Macron et les “frondeurs”. Là aussi, l’explosion est à prévoir.
- Le Pen perdante mais gagante : le FN a 4 fois plus de députés qu’en 2012, mais après ses presque 11 millions d’électeurs aux présidentielles, ce résultat est plus que médiocre.
- Mélenchon perdant mais un peu gagnant : il dispose d’un groupe à l’Assemblée certes, mais avec seulement 17 élus, ce qui est très loin du score escompté après la présidentielle.
- La démocratie perdante : elle perd sur tous les tableaux. Abstention record, matraquage médiatique sans précédent, flou total quant aux forces d’opposition, absence totale de représentation d’une énorme partie des citoyens…
Le fait majeur des législatives 2017, à la suite de la présidentielle d’ailleurs, c’est l’abstention. Une abstention record… Plus de 57 % des inscrits non sont pas allés voter au second tour, 52 % au premier.
Tordre le cou aux idées reçues
Non l’abstention n’est pas le fait de faignants, de flemmards, de tire-au-flanc, de je-m’en-foutistes, d’égoïstes qui se fichent pas mal du sort de leur pays… Les français ne sont pas des blobs amorphes qui se fichent de tout, repliés sur leur petit quant-à-soi, ni des imbéciles moutonniers, des beaufs manipulés qui, au final, mériteraient leur sort. Non et mille fois non ! Cette abstention est politique, et elle doit être analysée en tant que telle ! Et quand bien même l’abstention serait le fait de gens qui se ficheraient des élections, encore faudrait-il comprendre ce désintérêt ! Il faut pouvoir analyser la dynamique de l’abstention depuis les présidentielles.
L’abstention n’est pas non plus due à la “fatigue” des électeurs, usés après les primaires de la droite, de la gauche et après les présidentielles. Bien sûr, ce phénomène a une part de responsabilité dans l’abstention, mais sur le mode de la goutte d’eau qui fait déborder un vase déjà plein. La présidentielle est là pour en témoigner, avec sa forte abstention et son taux record de votes blancs ou nuls. Ainsi, il faut interpréter l’abstention de ces législatives sur un temps long, en la mettant en perspective avec celle des élections passées.
Un autre truc marrant, on a dit aussi que les abstentionnistes n’allaient pas voter, mais pour ne pas s’opposer à Macron, et finalement, pour lui laisser une majorité. Donc : si on vote Macron, on vote Macron, si on ne vote pas, on vote Macron quand-même ! Pile je gagne, face tu perds ! Comment prendre les gens vraiment pour des imbéciles…
Le sens de l’abstention
Il faut donc dire que l’abstention est politique. Ceux qui ne votent pas sont des gens qui ne croient plus à la politique, ou plutôt, à la possibilité de changer les choses grâce aux élections. Ils ne croient plus à la politique, mais croient au politique. Pour beaucoup, ils se sentent trahis par les dirigeants successifs, et à juste titre. Ils l’ont été ! Ce sont les plus défavorisés qui votent le moins, et les régions les plus désindustrialisées. Cela n’est pas un hasard… Il y a reconduction d’un vote censitaire : les riches votent plus que les pauvres. Pourquoi ? La raison est simple : depuis plus de 30 ans, toutes les politiques menées ont bénéficié quasi exclusivement aux riches ! Les classes moyennes ont été matraquées jusqu’à rendre l’âme, les pauvres sont toujours aussi pauvres, les inégalités s’accroissent, les régions rurales sont au mieux ignorées, au pire salies, moquées, insultées, rejetées… Voilà les raisons de l’abstention. Les gens sont rationnels, ils ont compris qu’ils n’avaient rien à attendre des supposées “élites” politiques. La sociologie des votes est plus que jamais incontournable pour comprendre ce qu’il se passe. Toutes les leçons de morale du style : “mauvais citoyen”, “t’auras pas le droit de te plaindre”, “des gens sont morts pour le droit de vote”, et tutti quanti ne marchent plus. Car, je le redis, les gens sont rationnels. Ils iraient voter si leur vote changeait les choses, mais même quand ils votent, les élites font l’inverse ! Souvenons-nous du référendum de 2005 sur le Traité Européen rejeté par le peuple mais adopté quand-même par un certain Sarkozy… Ou Hollande trahissant avec un acharnement presque obsessionnel toutes ses promesses… Du grand art !
Bref, on ne va pas épiloguer : comment exiger des citoyens qu’ils fassent leur devoir quand ceux qui sont élus ne le font pas ? Les citoyens ont joué le jeu, avec fair-play, ils y ont cru, ont été honnêtes et loyaux. Ils n’ont récolté que duperie, tricherie, mensonge, carriérisme, sacrifice de l’intérêt général…
La situation est grave. Un tel climat est mauvais pour la démocratie. Le pouvoir est assis sur des bases fragiles, les citoyens sont sur le qui-vive, et le risque est grand d’assister à des révoltes populaires, des actes violents. Quand les gens n’ont plus la parole dans les urnes, ils se font entendre autrement. Et cet autrement est rarement pacifique. Les citoyens paraissent pour l’instant résignés, abattus. Mais la réalité est plutôt qu’ils ne voient pas pour l’instant de débouchés à leur colère, car il n’existe encore aucune force à même de la canaliser, de l’organiser, d’en faire quelque chose. C’est le sens de l’abstention, qui fait suite au vote protestataire. D’abord, on vote Le Pen, ou Mélenchon, puis on s’abstient, c’est dans l’ordre des choses. L’abstention marque un cran de plus dans le dégoût. Mais après cela ? Après la résignation, s’il n’existe aucune force politique constituée (pas forcément un parti) qui la prenne en charge, la colère va gronder comme le ciel avant la tempête, des roulements graves et menaçants monteront, les coeurs s’emballeront au son de l’orage, les nuages noirs masqueront toute lumière, et c’est dans l’obscurité que naissent les monstres…
[…] [4] Après les présidentielles de 2017, seuls 17% des abstentionnistes déclaraient ne pas s’intéresser à la politique. [5] Nous analysions déjà ainsi l’abstention il y a 1 an et demi après les législatives. […]