2022 : une élection déjà jouée ?
Sondages et traité (inutile) de politique fiction
Partie 1 : sondages et analyse
Alors que l’élection présidentielle semble jouée d’avance, beaucoup de journalistes insistent sur l’absence de valeur prédictive des sondages et le fait que tout peut encore arriver, tout en matraquant l’inéluctabilité du duel Macron-Le Pen. C’est cette atmosphère qui motive cet article, dans lesquels je souhaite rappeler quelques bases concernant la technique des sondages, et voir si les sondages ont, par le passé, correctement « prévu » le résultat d’une présidentielle un an avant celle-ci. Dans la deuxième partie, nous verrons tout ce qui est du domaine du possible dans un bel exercice de politique fiction.
Et autant commencer par rappeler ceci : un sondage ne prévoit rien, ne prédit rien, ne dit pas de quoi sera fait l’avenir. Un sondage prend une « photo » de l’opinion publique à un instant donné. Un sondage sur l’élection présidentielle de 2022 fait début mai 2021 ne prévoit donc pas le résultat de l’élection en 2022, mais demande l’avis des sondés sur cette élection si elle avait lieu début mai 2021. En cela, un sondage n’a pas tort s’il est fait un an avant. Les équilibres politiques peuvent changer, les candidats être remplacés, etc.
Les sondages dont on va pouvoir dire qu’ils ont tort ou raison vont être ceux faits quelques jours avant l’élection (le minimum étant de 2 jours, car il est interdit en France de faire des sondages pendant le week-end durant lequel a lieu l’élection).
En France, les sondages sont faits selon la méthode des quotas. C’est-à-dire que l’on fait notre sondage sur un échantillon représentatif de la population française. Dans cet échantillon, il y a une proportion de femmes qui est la même que celle de la population française, une proportion de personnes entre 25 et 34 ans qui est la même que celle de la population française, etc.
En général, on ne peut pas tomber pile sur les bons quotas (par exemple, on interroge 50 % de femmes, alors qu’il y en a 52 % en France), donc on effectue un redressement. Dans cet exemple, on va donner un peu plus de poids aux femmes qu’aux hommes. Et on fait cela pour chaque caractéristique (en général : sexe, tranche d’âge, catégorie socio-professionnelle, citadin ou ruraux, proximité politique, etc.).
On effectue parfois un second redressement, pour plein de raisons différentes, certaines plus techniques que d’autres, certaines plus politiques que d’autres, certaines motivées par le gain financier. En effet, quand les résultats d’un sondage n’ont rien à voir avec ceux des autres sondeurs, on peut être tenté de modifier ses propres résultats pour coller à ses voisins. Ainsi, on n’est pas le seul à avoir tort. Il faut le rappeler, mais un institut de sondage est une entreprise, et elle a besoin de faire de l’argent. Et si un sondeur a franchement tort sur une élection importante (et la présidentielle est leur principale pub), c’est mauvais pour le business.
Ce redressement est souvent accusé de tous les maux, et à raison dans certains cas. C’est la « boîte noire », à l’intérieur de laquelle les chiffres ne sont pas toujours manipulés avec les règles de la statistique en tête, mais en raison d’objectifs fixés par l’institut de sondage.
Une fois les résultats publiés, il faut faire attention à la marge d’erreur. Mais qu’est-ce donc que la marge d’erreur ? me direz-vous. La marge d’erreur, c’est une estimation de l’étendue que les résultats d’un sondage peuvent avoir si l’on recommence l’enquête. Plus la marge d’erreur est importante, moins les résultats sont fiables et plus la probabilité qu’ils soient écartés de la réalité est importante.
Le calcul de la marge d’erreur varie en fonction du score du candidat observé et de la taille de l’échantillon. Plus un candidat à un score testé proche de 50 %, plus la marge d’erreur le concernant sera élevée. Plus la taille d’échantillon est grande, plus la marge d’erreur sera faible. En général en France, les sondages sont faits sur un échantillon d’environ un millier de personnes, et la marge d’erreur varie entre 1,5 et 4 %, selon le score du candidat observé. Pour les sondages politiques, cette marge d’erreur correspondant à l’intervalle de confiance à 95 %, ce qui veut dire que le score du candidat testé à 95 % de chances d’être compris dans l’intervalle entre son score moins la marge d’erreur, et son score plus la marge d’erreur.
Par exemple, un sondage fait sur un échantillon de 1000 personnes représentatif de la population française annonçant la victoire de A contre B par 55% des voix contre 45 % dans une élection ayant lieu dans 3 semaines doit être compris comme : « Si l’élection avait lieu au moment où le sondage a été fait, A a 95 % de chances de faire un score de 55 % ± la marge d’erreur (ici 4 %), soit entre 51 et 59% des voix ».
Dernière question, qui n’est pas vraiment technique, avant de passer à un historique des sondages sur les élections présidentielles : les sondages ont-ils une influence sur l’opinion publique et le résultat des élections ? Impossible de répondre avec des preuves nettes, même si on a un faisceau d’indices concordants qui penchent pour le oui.
Deux exemples nous éclairent sur cela. D’abord, en 2002, le premier tour semble tellement joué, que la participation au premier tour est historiquement faible (les électeurs qui sont allés à la pèche car le suspense y était plus intéressant). Et en 2017, Macron est très tôt testé comme un candidat possible, alors qu’il est le ministre d’un président que tout le monde voit encore comme un candidat logique à sa propre succession. Difficile d’en dire plus sans que cela nous occupe plusieurs heures, aussi vous laisserais-je à vos réflexions sur cette question.
Attaquons sans plus attendre un historique des sondages faits un an avant l’élection présidentielle.
1995 : Balladur et Chirac, amis de 30 ans, depuis 6 mois
Après les législatives de 1993 et l’écrasante victoire de la droite, Chirac refuse Matignon, dans l’objectif assumé de la présidentielle. Balladur se « sacrifie », et devient premier ministre. Durant 1994, Balladur s’impose dans les médias contre Chirac, qui coule. A gauche, Jacques Delors est le candidat du PS qui apparaît le plus probable.
D’après les sondages un an avant l’élection, Balladur est loin devant, à 29 % en mars, et 28 % en mai. Chirac ne fait que 17 %, et n’est pas au deuxième tour. L’adversaire de Balladur d’après les sondages serait le candidat du PS, que ce soit Delors ou Rocard, candidats testés en mars et en mai. Le second tour est peu testé en 1994, et fait état d’un duel serré.
Dès 1995 et l’officialisation de la candidature de Jospin, la droite est systématiquement donnée gagnante, et Balladur domine Chirac jusqu’en février.
En effet, après sa déclaration de candidature début 1995, Balladur s’effondre, et Chirac refait son retard jusqu’à être donné 8 points (24 % contre 16 %) devant le premier ministre de l’époque. Le soir du premier tour, Chirac est au deuxième tour avec un peu plus de 2 points d’avance sur son adversaire de droite. Jospin sera son adversaire au deuxième tour, et Chirac le battra sans souci.
Alors, les équilibres politiques ont-ils changés en un an et pourquoi ?
Non, les équilibres entre partis, entre familles politiques n’ont pas changés. La droite était favorite, et a bien remporté l’élection présidentielle. En revanche, les équilibres entre candidats ont changés. Balladur était donné largement vainqueur un an avant l’élection. Il s’est décomposé après sa déclaration de candidature. Les médias soutenaient le premier ministre depuis le début de 1994 et ont été le principal relais de ses ambitions présidentielles. Au moment où l’ambiguïté a été levée, tout s’est effondré, et la gouaille de Chirac (et l’expérience de ses précédents échecs) ont fait le reste. Matignon imposait encore un peu plus sa malédiction. Aucun premier ministre en exercice n’a jamais remporté l’élection présidentielle.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lection_pr%C3%A9sidentielle_fran%C3%A7aise_de_1995#Sondages
2002 : Jean-Marie Le Pen, la gauche, la démocratie et la Vème République
Après la dissolution de 1997 et la victoire du PS aux législatives, Jospin vient de passer 5 ans à Matignon, et est tout naturellement le candidat de son camp. Mais sa famille politique ne part pas unie. La gauche plurielle va faire naître beaucoup de candidats (Chevènement, Besancenot, Taubira, Mamère, …). Après 5 ans à ne pas pouvoir gouverner, Chirac se lance dans la bataille. Les « affaires » et le personnage de Super Menteur que lui donne les Guignols de l’Info ne sont pas pour l’aider.
Et pourtant, en avril et mai 2001, Chirac et Jospin sont donnés entre 25 et 30 points chacun, alors que Jean-Marie Le Pen ne dépasse pas les 8 points. Le second tour est serré, mais l’avantage est à Jospin.
Les sondages donneront toujours un second tour Chirac – Jospin extrêmement serré, chacun des candidats ne dépassant pas 51 % des voix pendant toute l’année 2002. Mais c’est au niveau du premier tour que tout va se jouer. Les deux candidats perdent peu à peu du terrain, à mesure que les petits candidats font leur trou.
La semaine d’avant le premier tour, Chirac est donné entre 18.5 et 22 % des voix, Jospin à 18 %, et Jean-Marie Le Pen entre 12.5 et 14 %. Le soir du 21 avril, Le Pen créé la surprise, et le FN est au second tour pour la première fois. Tout le monde se jette sur les sondages, ils se sont trompés, c’est inexcusable.
Alors, les équilibres politiques ont-ils changés en un an et pourquoi ?
Oui, mais il y a une subtilité. En effet, les sondages ont toujours donnés Chirac et Jospin au second tour. Ce qui a surpris tout le monde, c’est la force inattendue du FN, et c’est ce qui constitue quelque chose de rare, les sondages se sont véritablement trompés. Deux jours avant l’élection, les candidats de tête étaient toujours les mêmes.
Cependant, cet échec est en vérité assez logique, et parfaitement expliqué par les règles statistiques qui régissent les sondages. Analysons le dernier sondage de la campagne (en sachant que les deux derniers jours avant le week-end de l’élection, plusieurs sondeurs sont d’accord sur ces chiffres). Concernant Jospin, la marge d’erreur était de 2.4 %. Or, comme dit plus haut, la marge d’erreur d’un sondage correspondant à l’intervalle de confiance à 95 % (IC 95) signifie que Jospin avait 95 % de chances d’être dans un intervalle de 18 ± 2.4 %, soit entre 15.6 et 20.4 % (il fait 16.18 %). Pour Jean-Marie Le Pen, l’IC 95 lui donnait un intervalle de 14 ± 2.1 %, soit entre 11.9 et 16.1 %.
Les sondages n’indiquaient donc pas la présence obligatoire de Jospin au second tour, mais simplement la forte probabilité que ce soit le cas. Ce sont les journalistes et les médias qui ont forcés le trait sur ce premier tour joué d’avance.
Mais quand bien même, allez-vous me dire, Le Pen a atteint 16.86 % des voix, soit plus que le borne supérieure de l’intervalle cité. Et vous avez bien raison. Pourtant cet écart est expliqué par la marge d’erreur. Si l’IC 95 nous dit que le score de Le Pen a 95 % de chances d’être compris entre 11.9 et 16.1 %, cela veut dire qu’il a 5 % de chances de sortir de cet intervalle. Dont 2.5% de faire plus, et c’est ce qui s’est passé.
Cette « erreur » des sondages est donc attendue de temps à autre. Le fait de ne jamais l’avoir serait le plus surprenant, même si cette erreur est terrifiante pour les journalistes.
Par ailleurs, beaucoup de gens ont discouru sur celles et ceux qui ont préféré partir à la pêche plutôt que d’aller voter. Et on peut pointer la responsabilité des sondages dans ce fait là. En effet, tous les journalistes, s’appuyant sur les infaillibles sondages, annonçait le second tour Chirac – Jospin comme inéluctable. Et de nombreux électeurs ont pris cette prédiction au mot, préférant la pêche plutôt que de participer à quelque chose dont ils ne voyaient pas l’intérêt, puisque tout était déjà joué.
Se posent aussi les questions du vote utile, du vote barrage, de l’intérêt de donner son avis ou de choisir un candidat plus à même de l’emporter… Ces questions n’étant pas l’objet de cet article, je ne les aborderais pas davantage.
2007 : Les grands partis et le traumatisme du 21 avril
Après 12 ans à l’Élysée, Chirac ne se représente pas. Nicolas Sarkozy s’impose comme le candidat de la droite. Il avait refusé le poste de premier ministre pour le laisser à de Villepin en 2005. Et son adversaire a hérité de la malédiction de Matignon. À gauche, le PS désigne Ségolène Royal comme sa candidate en novembre 2016, et le nombre de candidats de gauche est nettement plus faible qu’en 2002.
Un an avant l’élection, les sondages donnaient le PS et Sarkozy loin devant au premier tour et un second tour plus serré.
Par la suite, le premier tour ne fait pas de doutes jusqu’au mois de mars, où François Bayrou apparaît comme une possible surprise. Il reste pourtant derrière dans les sondages, avec 2 à 10 points de retard. Le second tour entre Royal et Sarkozy est incertain pendant un temps, même si le ministre de l’intérieur a l’avantage. À partir du début 2007, il ne quittera plus le poste de favori, avant de l’emporter.
Alors, les équilibres politiques ont-ils changés en un an et pourquoi ?
Non. Le duel PS – Sarkozy était inéluctable, et cela apparaissait même un an avant l’échéance.
2012 : L’anti-Sarkozysme et la normalisation du vote contre
Après 5 ans de mandat, Sarkozy est logiquement candidat à sa succession. En face, le PS met en place une primaire ouverte aux sympathisants, et non plus aux seuls militants du parti. DSK apparaît comme favori, même s’il ne se déclare pas candidat. Tout change en mai 2011, lorsque ses ambitions présidentielles s’effondrent avec son arrestation suite aux accusations de viol par Nafissatou Diallo.
Avant celle-ci, DSK était le large favori de l’élection. Il pouvait espérer remporter la primaire dès le premier tour, et était donné large vainqueur contre Sarkozy au second tour. Après son arrestation, la primaire est donnée comme plus serrée, entre Hollande et Aubry, loin devant les autres. Au second tour sont systématiquement présents le candidat ou la candidate du PS (sauf Royal) et Sarkozy. Et la victoire revient systématiquement au PS.
En fin de compte, la primaire socialiste voit la victoire d’Hollande. Le premier tour consacre à nouveau la suprématie de l’UMP et du PS sur la politique nationale. Au second tour, Hollande gagne contre Sarkozy, certes moins largement que prévu.
Alors, les équilibres politiques ont-ils changés en un an et pourquoi ?
Non. L’élection a toujours été donnée comme imperdable pour le PS, et c’est le résultat qui en a découlé. Pour ce qui est des personnes, l’arrestation de DSK a évidemment rebattu les cartes, et la science du compromis d’Hollande, qui n’était détesté par personne (une force au PS), lui a permis d’unir le parti derrière lui, et de prendre l’Élysée, alors qu’il partait de loin. Les premiers sondages de la primaire socialiste le donnait à 3 % (d’où l’un de ses surnoms les plus oubliés : Monsieur 3 %).
Sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_sondages_sur_l%27%C3%A9lection_pr%C3%A9sidentielle_fran%C3%A7aise_de_2012
https://fr.wikipedia.org/wiki/Primaire_citoyenne_de_2011#Sondages
2017 : L’élection imperdable
Après 5 ans de mandat socialiste, l’élection de 2017 s’annonce exceptionnelle à plus d’un titre. Les deux principaux partis font une primaire ouverte, le ministre de l’économie fait connaître ses ambitions par les médias, le président et le premier ministre veulent y aller, etc.
Pour analyser les sondages un an avant l’élection, il nous faut distinguer 4 élections, chacune des deux primaires, le premier tour, et le second tour.
Les sondages concernant la primaire de la droite et du centre donnent Sarkozy et Juppé largement favoris jusqu’à quelques semaines avant l’élection, et Juppé large favori pour l’emporter.
La primaire de gauche est moins bien sondée et les résultats que les sondeurs donnent ne sont pas toujours aussi clairs. Globalement, quelques mois avant le premier tour de la primaire, on peut distinguer une aile « gouvernementale » qui arrive en tête et est représentée par Valls, Hollande ou Macron (oui, Macron était testé comme potentiel candidat à la primaire de la gauche. Avec le recul c’est assez drôle, je trouve), et qui est opposée à une aile gauche, dont le favori est longtemps resté Montebourg. Le second tour de cette primaire est très indécis.
Pour le premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen est systématiquement présente au second tour. Dépendant des candidats qui l’emportent lors des primaires, elle est opposée soit au candidat des Républicains, soit à Macron (si les candidats de LR et du PS sont faibles).
Et dans tous les cas de figures, Le Pen perd toujours au second tour. Les seuls candidats donnés potentiellement gagnant par les sondages un an avant l’élection sont donc Juppé (le favori), Sarkozy, Fillon, Le Maire et Macron. L’élection apparaît imperdable pour la droite et le centre.
Pour voir comment tout cela s’est déroulé, il nous faut également distinguer les 4 élections.
La remontée de Fillon durant les 3 semaines précédant la primaire est clairement montrée par les sondages (il passe de 15 à 30 %) mais ceux-ci ratent son ampleur son ampleur (il finit à 44 %). Sarkozy est éliminé dès le premier tour et Juppé est condamné à la figuration lors du second tour.
A gauche, Hollande ne se représente pas et l’aile gouvernementale est incarnée par Valls. Hamon passe devant Montebourg 2 semaines avant le premier tour et remporte la primauté de l’aile gauche. Si les sondages ont vu l’inversion de cette tendance, là encore, ils en manquent l’ampleur. Au second tour, alors que Valls était donné devant, il perd de plus de 20 points.
Après sa victoire lors de la primaire, Fillon perd rapidement des points, d’abord à cause de son programme et de sa volonté de supprimer la sécurité sociale, puis à cause de l’affaire Pénélope. Il ne s’en remettra jamais. Dès février, Macron et Le Pen sont systématiquement au second tour, jusqu’au mois d’avril, où Mélenchon et Fillon sont régulièrement dans la marge d’erreur pour la qualification au second tour.
Le Pen perd au second tour, encore plus largement (33.9 % au lieu de 37-38 %) que les sondages ne le disaient deux jours avant.
Alors, les équilibres politiques ont-ils changés en un an et pourquoi ?
Pour l’élection présidentielle, pas vraiment. La présence de MLP et sa défaite obligatoire n’ont pas changées en un an. La victoire de la droite et/ou du centre n’a jamais vraiment été en doute.
En revanche, pour ce qui est des primaires, les électeurs plus centristes des deux principaux partis ont manqués, et le PS et LR ont choisis des candidats de leur aile gauche et droite respectivement, ce qui a créé un large espace politique au centre. Cela n’a pas été vu par les sondages, même juste avant les votes en question, et ce mouvement semble s’être fait au dernier moment. On notera la difficulté pour les sondages d’obtenir des résultats satisfaisant pour les primaires, de façon similaire à ce que l’on observe pour les élections locales, dans lesquels les sondeurs ont plus de mal.
Sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_sondages_sur_l’élection_présidentielle_française_de_2017
https://fr.wikipedia.org/wiki/Primaire_fran%C3%A7aise_de_la_droite_et_du_centre_de_2016
https://fr.wikipedia.org/wiki/Primaire_citoyenne_de_2017
En somme, on peut dire que les équilibres politiques n’ont que peu changé un an avant l’élection présidentielle depuis 1995. La droite a gagné en 1995, comme c’était pressenti depuis l’année précédente. Sarkozy l’emporte en 2007, la gauche bat Sarkozy en 2012, et le camp libéral de la droite et du centre gagne en 2017. En fin de compte, les véritables surprises sont 2002, et la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour, et les changements de personnes (Balladur battu par Chirac, DSK arrêté, Juppé battu lors de la primaire).
2022 : Le double barrage
Un an avant l’élection, quels sont les équilibres politiques ? Voyons tout cela avec les sondages faits en avril et en mai 2021.
Pour le premier tour, c’est assez clair. Les sondages donnent Macron et Le Pen au second tour, dès que les deux sont testés, invariablement depuis fin 2017, et hors de toute marge d’erreur depuis avril 2018.
Derrière eux, le candidat LR oscille entre 6 et 20 % environ, suivant les candidats. Le plus en vue est Xavier Bertrand. À gauche, trois candidats d’ampleur, de trois partis différents, ont émergé. Hidalgo, Jadot et Mélenchon tournent tous trois entre 5 et 13.5 % dépendant des sondages et des configurations
En clair, les sondages indiquent que les équilibres politiques penchent pour une claire victoire des libéraux et des nationaux-conservateurs au premier tour.
Au second tour, dans le duel Macron – Le Pen, Macron est systématiquement donné vainqueur par les sondages depuis qu’il est testé, début 2019. En revanche, l’écart n’a cessé de diminuer. Aujourd’hui, Macron est donné entre 53 et 57 %, c’est-à-dire que certains sondages donnent les deux candidats dans la marge d’erreur. C’est la première fois qu’une candidate du FN/RN est donnée possiblement vainqueur au second tour.
Vu ce resserrement de l’écart (Macron avait gagné par 66.1 % des suffrages exprimés en 2017), on est tenté de se dire qu’il y a une équivalence entre le nombre de votes hypothétiquement perdus par Macron et ceux gagnés par Le Pen. C’est-à-dire que des gens ayant voté Macron en 2017 vont voter Le Pen en 2022, ou que des électeurs de Macron vont s’abstenir et que les abstentionnistes de 2017 vont voter Le Pen en proportions égales. En vérité, ce n’est pas ce qui se produit.
Si on va dans le détail, on se rend compte que l’abstention est sondée comme étant plus élevée que lors du second tour de 2017 (les chiffres variant beaucoup ici selon les sondages et les questions posées, je ne les citerai pas). Et si on extrapole les chiffres données pour en tirer un nombre de voix, on se rend compte que Macron perd bien plus de votes que Le Pen n’en gagne. Selon les sondages, là où Le Pen gagne 1 voix, Macron en perd entre 2 et 7 (!).
Ces voix perdues pour Macron, on le sait, viennent de la gauche, qui voit de moins en moins l’intérêt de « faire barrage » à l’extrême droite, si c’est pour faire élire un président dont ils ne ressentent rien d’autre que le mépris*.
En résumé, 1 an avant l’élection, le second tour le plus probable est sondé comme étant une redite de 2017, mais bien moins certaine. Il suffirait d’une erreur des sondages de 3 % pour que Marine Le Pen soit élue, c’est-à-dire exactement l’erreur des sondages au second tour de 2017.
Pour les autres cas de figures testés par les sondages, on remarque que Xavier Bertrand a de bien meilleures chances de l’emporter contre Le Pen (entre 57 et 61 % des exprimés), qu’un second tour éventuel entre Macron et Bertrand est aussi serré qu’un pile ou face, et que la gauche est incapable de l’emporter.
Et c’est dans le duel entre Marine Le Pen et n’importe quel candidat de gauche qu’on trouve les meilleures chances de victoire de la candidate du RN. Elle est donnée gagnante contre Mélenchon (60 – 40), contre Jadot (53 – 47, dans la marge d’erreur), contre Hidalgo (50 à 51 % pour Le Pen). Ces sondages sont exceptionnels, car c’est la première fois qu’une candidate du RN est donnée vainqueur par un sondage, dans n’importe quel cas de figure.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_sondages_sur_la_prochaine_%C3%A9lection_pr%C3%A9sidentielle_fran%C3%A7aise
*https://www.liberation.fr/politique/macron-le-pen-le-barrage-mal-barre-20210226_27LAT6ZRAVA7RFZOYPDDEAIX7E/
Le mythe du candidat surprise
C’est une arlésienne qui prend de l’ampleur avant chaque élection présidentielle. « Et si un candidat surprise venait ? », « Je m’en fous des candidats actuels, mais tout peut arriver, un candidat surprise peut tout renverser », etc.
Cette envie d’un candidat que personne n’attend est le signe du peu d’appétence de beaucoup de gens pour les candidats en place, tout autant que du culte du l’homme providentiel, personnifié par les plus grands personnages de France, Napoléon et Charles de Gaulle, entre autres. Mais qu’en est-il vraiment ? Un candidat que personne n’attend peut-il ou peut-elle vraiment gagner ?
Pour répondre à cette question, il faut savoir ce dont on a besoin pour candidater à l’élection présidentielle. Outre le fait d’être français, d’avoir plus de 18 ans, et autres conditions facilement atteignables, la vraie limite réside dans l’obtention des fameuses 500 signatures.
Pour être candidat, on doit avoir 500 signatures d’élus (députés, sénateurs, membres des conseils régionaux et départementaux, ainsi que les maires). En 2012, ce collège comportait environ 42 000 membres. Avoir 500 signatures parmi 42 000 personnes, c’est chose facile, non ? Non.
Déjà, il faut voir que les partis verrouillent leurs élus, et leur empêchent de donner leurs signatures à d’autres candidats que les leurs. Ainsi, Fillon avait 3 635 parrainages en 2017, sur les quelques 14 000 élus qui ont donné leur signature.
Ensuite, les partis font pression sur les maires pour les décourager de donner leur signature à des candidats trop « farfelus » ou « dangereux ». Le chantage aux subventions condamne les maires des petites communes à donner leur parrainage aux « gros » candidats, ou à simplement s’abstenir de le donner. Dans ce jeu, les partis ayant le contrôle des collectivités locales et/ou celui ayant le contrôle de l’État jouent le plus de ce système.
Enfin, il faut se rendre compte de la difficulté de démarcher plusieurs milliers de maires pour obtenir leurs signatures, particulièrement pour les « petits » candidats.
En fin de compte, il est quasi-impossible de se présenter à l’élection présidentielle si on n’est pas du sérail. De toute la 5ème République, aucun candidat surprise n’a jamais remporté l’élection présidentielle et aucun président n’a jamais été élu hors d’un parti. Le candidat « surprise » qui a fait le plus de bruit, et qui a été le plus proche de l’emporter, était Coluche, lors de l’élection de 1981.
La réaction de la classe politique et des médias à cette candidature avait été très violente, et Coluche avait abandonné un mois avant le premier tour, en ayant obtenu seulement quelques signatures, de l’aveu des gens qui l’accompagnait (lui dira qu’il avait plus de 600 promesses de signatures).
En bref, non, il n’y aura pas de candidat surprise. Non, Hanouna, Bigard ou Afida Turner ne seront pas candidats à l’élection. Zemmour non plus, même si son cas est particulier.
Alors, en fin de compte, l’élection est-elle déjà jouée ? Après cette démonstration, on est tenté de dire que oui. Les sondages se « trompent » peu sur les équilibres politiques (mais plus souvent sur les personnes), et ils sont aujourd’hui très clairs sur ce second tour Macron – Le Pen. Mais est-ce la seule possibilité ? Bien sûr que non ! Et c’est ce que nous allons voir, dans un second article (un petit peu de suspense, que diable !) ![
Ne ratez pas la seconde partie de cet article, un exercice de politique fiction et de décryptage de toutes les stratégies pour les élections présidentielles 2022 !
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