L’Élixir de longue vie

Honoré de Balzac

1830


Le voyage se poursuit dans l’univers des romans courts d’Honoré de Balzac. L’Élixir de longue vie est écrit en 1830, Balzac a alors 30 ans, et il succombe à la mode de cette époque : Hoffmann, le fantastique, les romans « d’horreur » comme on dirait aujourd’hui etc. Oh, bien sûr, un romancier de la trempe – et du génie – de ce bon Honoré ne se contente jamais de suivre la mode comme tout le monde, car immanquablement, il transforme en or tout se qu’il touche. Un génie commet toujours un rapt lorsqu’il crée. Les précédents articles ont beaucoup insisté sur la dimension fantastique de l’oeuvre et du style balzaciens. Avec l’élixir de longue vie, nous faisons un pas de plus vers le bizarre, le glauque, le surnaturel.

L’histoire, brièvement, est une variation sur le thème du pacte avec le Diable, si cher à tous les auteurs fantastiques. Bartholoméo Belvidéro, riche et noble, est mourant. Dans le faste de son palais espagnol, dans le luxe de l’or et des parfums précieux, son fils, don Juan Belvidéro, fait la fête, comme à l’accoutumée, entouré de jeunes et jolies prétendantes. Mais don Juan n’a rien du fils prodigue, c’est tout le contraire : vaniteux, bouffi d’orgueil, ingrat au dernier degré, fainéant, épris de lui-même et de richesses faciles plus que de toute autre chose sur Terre, détestable avec son père qui l’adore et lui cède tout, menteur et sournois, il est ce qu’il convient d’appeler un mauvais fils.
Le soir, donc, où son père agonise, il abandonne ses plaisirs de débauche et ses amusements et se rend à son chevet, afin de remplir les dernières obligations d’un fils. C’est alors que son père lui demande d’exécuter un bien étrange rituel. Oindre son corps tout juste trépassé d’une huile inconnue. Cette huile, explique le père, le fera revenir à la vie promptement.  Et, à la lueur de la Lune, dans une lumière diaphane, le miracle s’accomplit. Enfin presque… N’eût été l’avidité de don Juan…

Le reste de l’histoire est un plaisir que je vous laisse découvrir.

Faust et Méphisto – Eugène Delacroix

Ce roman explore donc cette fascination pour le Mal qui est, véritablement, le propre de l’Homme. A côté de ce thème vu et revu, Honoré de Balzac s’attarde un fois de plus sur un de ses sujets de prédilection : les rapports familiaux. Ici, bien sûr, le lien père/fils. Une progéniture pourrie jusqu’à la moëlle, qui ne partage rien avec la chaire qui l’a faite chaire elle-même, un démon né d’un ange si l’on devait outrer un tant soit peu le trait… Egalement ce fils qui devient lui aussi époux et père, faisant de sa propre famille le terrain de jeu où se déploie sa fourberie et sa tyrannie… 

Dans son adresse Au lecteur en début de roman, Balzac écrit ceci :
« Un meurtrier nous dégoûte moins qu’un espion. Le meurtrier a cédé peut-être à un mouvement de folie, il peut se repentir, s’ennoblir. Mais l’espion est toujours espion; il est vil à toute minute. Que serait-ce donc d’être meurtrier comme un espion est vil ? »
S’il ne répond pas vraiment à la question, au moins donne-t-il à voir la vilenie d’un homme.

Bonne lecture !

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